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Le bon-ſens.


§. 1.
Apologue.


Il eſt un vaſte Empire gouverné par un Monarque dont la conduite bizarre eſt très propre à confondre les eſprits de ſes ſujets. Il veut être connu, chéri, reſpecté, obéi, mais il ne ſe montre jamais, & tout conſpire à rendre incertaines les notions que l’on pourroit ſe former ſur ſon compte. Les peuples ſoumis à ſa puiſſance n’ont ſur le caractère & les loix de leur ſouverain inviſible que les idées que leur en donnent ſes Miniſtres ; ceux-ci conviennent pourtant qu’ils n’ont eux-mêmes aucune idée de leur maître, que ſes voies ſont impénétrables, que ſes vues & ſes qualités ſont totalement incompréhenſibles ; d’ailleurs ſes Miniſtres ne ſont nullement d’accord entre eux ſur les ordres qu’ils prétendent émanés du Souverain dont ils ſe diſent les organes ; ils les annoncent diverſement à chaque province de l’Empire ; ils ſe décrient les uns les autres, & ſe traitent mutuellement d’impoſteurs & de fauſſaires ; les édits & les ordonnances qu’ils ſe chargent de promulguer ſont obſcurs ; ce ſont des énigmes peu faites pour être entendues ou devinées par les ſujets pour l’inſtruction deſquels on les a