Page:Le bon sens ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles - 1772.pdf/39

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est-il ſorti tout formé du limon de la terre ? Je l’ignore. L’homme me paroîr une production de la nature, comme toutes les autres qu’elle renferme. Je ſerois tout auſſi embarraſſé de vous dire d’où ſont venus les premieres pierres, les premiers arbres, les premiers lions, les premiers éléphants, les premieres fourmis, les premiers glands &c., que de vous expliquer l’origine de l’eſpece humaine.

Reconnoiſſez, nous crie-t-on ſans ceſſe, la main d’un Dieu, d’un ouvrier infiniment intelligent & puiſſant , dans un ouvrage auſſi merveilleux que la machine humaine. Je conviendrai ſans peine que la machine humaine me paroît surprenante ; mais puisque l’homme exiſte dans la nature, je ne me crois pas en droit de dire que ſa formation est au-dessus des forces de la nature ; j’ajouterai que je concevrai bien moins la formation de la machine humaine quand, pour me l’expliquer, on me dira qu’un pur eſprit, qui n’a ni des yeux, ni des pieds, ni des mains, ni une tête, ni des poumons, ni une bouche, ni une haleine, a fait l’homme en prenant un peu de boue & en ſouflant deſſus.

Les habitans sauvages du Paraguay ſe diſent deſcendus de la lune, & nous paroiſſent des imbéciles : les Théologiens de l’Europe ſe diſent deſcendus d’un pur Eſprit. Cette prétention est-elle bien plus ſenſée.

L’homme eſt intelligent ; on en conclut qu’il ne peut être que l’ouvrage d’un être in-