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— Mais songez donc que c’est une peine sans profit, ni pour le présent, ni pour l’avenir ; car il n’aidera jamais vos vieux jours, puisque sans-doute vous ne serez plus sur cette terre quand il sera en âge de vous être utile. C’est donc pour l’amour de Dieu que vous faites cela, et pour avoir une meilleure place dans son saint paradis ?… Il est vrai que cela en vaut bien la peine.

— J’espère en Dieu, Christine, je fais ce que je peux pour mériter de le voir un jour face à face, mais je n’ai point songé à cette grâce en recueillant cet innocent. Nous obéissons aux lois des hommes sans en recevoir de salaire, continua la vieille d’un air doucement sentencieux, pourquoi donc en attendrions-nous en remplissant les vues de Dieu, qui nous fait un devoir de nous aider les uns les autres ? il a mis dans mon cœur un si grand plaisir quand je peux faire une bonne action, que c’est déjà une assez belle récompense ; le reste à sa sainte volonté.

Christine haussa les épaules, mais elle ne dit plus rien ; et depuis ce jour on vit la vieille Madeleine redoublant de courage, se lever de grand matin, prolonger son travail bien avant dans la nuit, et prodiguer à l’orphelin qu’elle avait adopté, des soins et un amour de mère. Souvent la pauvre femme, courbée sous le poids des ans et d’un travail excessif, rentrait dans sa cabane exténuée de privations et de fatigue ; mais alors le petit Louis grimpait sur ses genoux, baisait tendrement ses joues ridées, courait poser son bâton et lui présentait en souriant la jatte de lait et la galette qui composaient son frugal repas ; alors aussi la vieille femme le serrait dans ses bras avec transport, oubliait ses maux et répondait de tout son amour aux soins et à la tendresse de son enfant.