Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise, 1878, T2, I-Z.djvu/519

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PRIVATION. s. f. Perte, absence, manque d’un bien, d’un avantage qu’on avait, ou qu’on devait, qu’on pouvait avoir. La privation de la vue. La privation de l’ouïe. La privation du sentiment. C’est un homme qui est dans la privation de toutes choses. On châtia cette ville par la privation de ses privilèges. La privation des droits civils. Il signifie, dans le langage de l’ancienne Philosophie, Absence d’une forme qu’un sujet peut avoir. Aristote reconnaît trois principes des choses naturelles : la matière, la forme, et la privation. PRIVATION, signifie aussi, L’action de se priver volontairement, de s’abstenir de quelque chose dont on pourrait jouir. Privation volontaire. S’exercer, s’habituer aux privations. S’imposer des privations. À force de privations, il a amassé un petit pécule. Vivre de privations, Manquer de beaucoup de choses nécessaires.

PRIVATIVEMENT. adv. Exclusivement. à l’exclusion. Il n’est guère usité que dans cette locution. Privativement à tout autre. Ce qu’il demandait lui a été accordé privativement à tout autre.

PRIVAUTÉ. s. f. Familiarité extrême. Il vit dans cette maison avec beaucoup de privauté. Prendre, se permettre des privautés, Prendre de grandes libertés : cela se dit surtout Des libertés prises avec les femmes. Il prend avec elle de certaines privautés.

PRIVÉ, ÉE. adj. Qui est simple particulier, qui n’a aucune charge publique. C’est un homme privé. Vivre en homme privé. Une personne publique est obligée à plus de circonspection qu’une personne privée. Il se dit aussi Des choses, et il est opposé à Public. Il préfère les douceurs de la vie privée aux embarras de la grandeur. Ce prince a des vertus privées. Il faut sacrifier l’intérêt privé à l’intérêt public. Autorité privée, se dit par opposition à Autorité publique, ou à Autorité légitime. Il a mis cet homme en prison de son autorité privée. Ce jeune homme a fait telle action de son autorité privée, et sans l’aveu de son père. Prison privée, ou, dans le style des anciennes ordonnances, Chartre privée, se dit par opposition à Prison publique. Il est défendu par les lois d’avoir des prisons privées. Tenir quelqu’un en chartre privée. Acte sous seing privé, Acte fait sans l’intervention de l’officier public. En son propre et privé nom, se dit en parlant Des dettes et des obligations personnelles que l’on contracte. Il s’est obligé dans le contrat en son propre et privé nom. Sous peine d’en répondre en son propre et privé nom. Parler, agir en son propre et privé nom, Parler, agir de son chef, sans commission de personne. Conseil d’État privé, ou Conseil privé, Le conseil où présidait le chancelier, et où se jugeaient les affaires des particuliers dans lesquelles le roi n’avait point d’intérêt. On l’appelait autrement Conseil des parties. — Il s’est dit ensuite d’Un conseil particulier, qui ne s’assemblait que d’après une convocation expresse ordonnée par le roi et faite par le président du conseil des ministres. Vie privée, est Le titre de certains ouvrages où l’on raconte les actions particulières et privées d’un personnage public. La Vie privée de Louis XV. PRIVÉ, signifie aussi, Qui est apprivoisé. En ce sens, il est opposé à Farouche, sauvage, etc. Un oiseau privé. Un moineau privé. On se sert d’un canard privé pour attirer les canards sauvages. Fig. et fam., C’est un canard privé, se dit D’un homme dont on ne sert pour faire tomber dans le piège ceux qui se fient à lui. Défiez-vous de cet homme-là, c’est un canard privé. Cette manière de parler a vieilli. PRIVÉ, signifie aussi, Familier. En ce sens, il ne se dit guère que pour marquer un excès de familiarité. Ce domestique se rend un peu trop privé avec ses maîtres. Dans ce sens, il est peu usité.

PRIVÉ. s. m. Lieux d’aisances, l’endroit de la maison destiné pour y aller faire ses nécessités.

PRIVÉMENT. adv. Familièrement, d’une manière privée, libre et familière. Ils ont toujours vécu privément, fort privément ensemble. Il a vieilli.

PRIVER. v. a. Ôter à quelqu’un ce qu’il a, ce qu’il possède, l’empêcher de jouir de quelque avantage qu’il avait ou pouvait avoir, le dépouiller de quelque chose qui lui appartient. L’arrêt qu’on a rendu contre lui, le prive de tous ses biens, le prive de ses droits civils. On l’a privé de tous ses avantages. Sa dernière fluxion l’a entièrement privé de la vue. Priver un homme de la vue de ses enfants, de sa femme, de ses amis. Il s’emploie quelquefois avec le pronom personnel. Par là ils se sont privés de toute sorte de secours. Il s’est privé de sa liberté. PRIVER, avec le pronom personnel, signifie aussi, S’abstenir. Se priver du plaisir de la comédie, de la chasse, de la promenade. Il faut savoir se priver des choses qui ne sont pas nécessaires. PRIVER, signifie quelquefois, Apprivoiser, rendre privé. Cette espère d’oiseau est la plus difficile de toutes à priver.

PRIVÉ, ÉE. part. passé. Corps privé de sépulture. Corps privé de vie. Homme privé de sa raison, privé de raison. Être privé de l’usage de ses membres. Voyer PRIVÉ, ÉE, adjectif.

PRIVILÈGE. s. m. Faculté accordée à un particulier ou à une communauté, de faire quelque chose, ou de jouir de quelque avantage qui n’est pas de droit commun. Privilège temporaire. Privilège perpétuel. Privilège exclusif. Un privilège fort étendu. Privilège nouveau. Privilège d’imprimer, pour imprimer. Privilège pour vingt ans. Privilège pour une manufacture. Demander an privilège. Obtenir, accorder, refuser un privilège. User, abuser de son privilège. Se servir de son privilège. Ôter un privilège. Un livre imprimé avec approbation et privilège. Privilège du roi. La plupart des privilèges sont abolis par nos lois actuelles. Il signifie aussi, L’acte qui contient la concession d’un privilège. Un privilège signé en commandement. Un privilège scellé du grand sceau. Dresser un privilège. Enregistrer un privilège. Produire son privilège. Surprendre un privilège. Casser, annuler un privilège. Faire rapporter un privilège. PRIVILÈGE, se dit également de Toutes sortes de droits, de prérogatives, d’avantages attachés aux charges, aux emplois, aux conditions, aux états, etc. Les charges de secrétaire du roi avaient certains privilèges. C’est en privilège de sa charge. Privilège de l’âge. Les privilèges de la noblesse. Les privilèges de la pairie. Les princes du sang ont de grands privilèges. Privilège clérical. PRIVILÈGE, en terme de Jurisprudence, Titre à la préférence, droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. Privilèges sur les meubles. Privilèges sur les immeubles. La femme n’a point de privilège, pour la répétition de sa dot, sur les créanciers qui lui sont antérieurs en hypothèque. Distribuer le prix d’un immeuble suivant l’ordre des privilèges et hypothèques. Être payé par privilège et préférence sur le prix d’un immeuble. En cas de novation, les privilèges et hypothèques de l’ancienne créance ne passent point à celle qui lui est substituée. PRIVILÈGE, se dit aussi Des dons naturels, soit du corps, soit de l’esprit. La raison est un privilège qui distingue l’homme des animaux. Le beauté est un heureux privilège. PRIVILÈGE, signifie quelquefois, Certaines libertés, certaines prérogatives que l’on s’attribue dans la société, ou que les autres vous accordent. Il a le privilège de faire et de dire dans cette maison tout ce qu’il lui plaît. C’est un homme qui a des privilèges que d’autres n’ont pas. La vieillesse donne des privilèges.

PRIVILÉGIÉ, ÉE. adj. Qui a un privilège, qui jouit d’un privilège. Il y avait autrefois des marchands privilégiés. Toutes les personnes privilégiées. En Jurispr., Créancier privilégié, Celui qui a droit d’être payé préférablement aux autres. On dit de même, Créance privilégiée. Cas privilégiés, ou cas royaux. Voyez CAS. En Jurispr. can., Cas privilégié, Cas dans lequel le juge séculier prenait connaissance des crimes d’un ecclésiastique, et le jugeait conjointement avec le juge ecclésiastique, nonobstant le privilège clérical. Autel privilégié, Autel où l’on peut dire la messe des morts, le jour qu’on ne peut la dire à d’autres autels. Lieu privilégié, Lieu qui n’était pas soumis à la police générale. À Paris le Temple était un lieu privilégié. Les débiteurs ne pouraient être arrêtés dans certains lieux privilégiés. Les artisans non-maîtres pouvaient travailler librement dans les lieux privilégiés. Jour privilégié, Celui où l’on ne pouvait arrêter pour dette. Le dimanche est un jour privilégié. PRIVILÉGIÉ, signifie quelquefois figurément, Qui a reçu de la nature quelque don particulier. L’homme est une créature privilégiée. C’est un être privilégié, une espèce privilégiée. Un génie privilégié, un talent privilégié. Il signifie encore, familièrement, Qui s’attribue ou à qui l’on accorde certaines libertés, certaines prérogatives dans la société. Il peut tout dire, il est privilégié. Il peut entrer à toute heure, il est privilégié dans cette maison. PRIVILÉGIÉ, est aussi substantif, et signifie, Celui qui jouit d’un privilège. Il y avait beaucoup de privilégiés dans le royaume. Dans un État bien policé, on ne saurait trop réduire le nombre des privilégiés.

PRIX. s. m. Estimation d’une chose, ce qu’elle se vend, ce qu’on l’achète, ce qu’on