Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise - 1694 - T1 - A-D.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
PREFACE.

vres d'observations sur la Langue Latine, intitulez de l'Analogie, qu'il adressa à Ciceron, et dont il paroist encore quelques fragmens, où nous voyons qu'il n'avoit pas dédaigné de descendre jusqu'aux plus petites reflexions de la Grammaire, comme de remarquer que les mots Arena, Coelum, Triticum, n'avoient point de pluriel, et ce sont ces sortes d'observations qui ont fait que quelques anciens l'ont mis au rang des plus habiles Grammairiens, et l'ont appellé Artis Grammaticae Doctissimum. Charlemagne Roy de France, et fondateur d'un nouvel Empire, travailla aussi à l'embellissement de sa Langue qu'il réduisit sous de certaines regles, et dont il composa luy-mesme une Grammaire. Ainsi les contestations qui naissent au sujet des mots et des façons de parler qu'on employe dans le Discours, naissent souvent entre les personnes de la première qualité et du plus bel esprit, lesquelles ont tousjours eu plus de soin que les autres de parler correctement. Nous avons un exemple celebre d'une dispute de cette nature arrivée dans l'ancienne Rome entre les premiers Citoyens de cette Ville maistresse de l'Univers. Le Grand Pompée ayant fait construire le Temple de la Victoire, voulut mettre une inscription sur le frontispice, pour marquer qu'il avoit achevé ce bastiment durant son Troisiéme Consulat, mais il fut en doute s'il falloit mettre Consul Tertio, ou Consul Tertium ; et dans cette incertitude il consulta les plus habiles de Rome, et Ciceron mesme qui ayant peine aussi à se determiner luy conseilla de n'escrire que les quatre premieres Lettres Tert. afin que le Lecteur achevast de prononcer le reste comme il voudroit. Mais Pompée eluda encore la difficulté d'une autre maniere en faisant mettre ce mot en Lettres numerales Consul III. et Aulugelle qui nous a conservé cette petite histoire asseure qu'il a veu le marbre mesme. Ce qui prouve clairement que les difficultez Grammaticales arrestent quelquefois les plus grands esprits, et ne sont pas indignes de leur application. Quand on voudra donc entrer dans ces considerations on sçaura peut-estre gré à l'Académie d'avoir prevenu la pluspart des Doutes qui peuvent naistre touchant l'usage de nostre Langue en prenant le soin de ramasser ensemble tout ce qui regarde cette matiere, et en le faisant avec assez d'exactitude pour avoir lieu de croire que ce travail ne sera pas inutile presentement, et sera encore plus utile à la Posterité.

L'Académie auroit souhaité de pouvoir satisfaire plustost l'impatience que le Public a tesmoignée de voir ce Dictionnaire achevé ; Mais on comprendra aisément qu'il n'a pas esté en son pouvoir de faire une plus grande diligence, si on fait reflexion sur les divers accidens tant publics que particuliers qui ont traversé les premieres années de son establissement, et sur la maniere dont elle a esté obligée de travailler.

Ses Lettres de Creation quoy qu'expediées en 1635. ne furent enregistrées au Parlement qu'au mois de Juillet de l'année 1637. ce qui la tenoit comme en suspens, et rendoit en quelque sorte son estat douteux. Le Cardinal de Richelieu mourut peu de temps aprés. La passion que ce grand Ministre avoit pour les Sciences et pour les belles Lettres qu'il mettoit au nombre des principaux ornemens d'un Estat, et son af-


e iij