Page:Le journal, Hatin.pdf/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 175 —

voir m'aider, qu'il y a dans cette manipulation du journal des choses assez difficiles à exprimer pour quiconque n’est pas du métier.

Il est près de six heures du soir. Entrons dans la salle de composition, où, sur des pupitres placés en rangs parallèles, les casses attendent les compositeurs. La casse est un grand casier divisé en nombreux compartiments — cent cinquante environ — appelés cassetins, remplis de toutes les lettres, signes, chiffres, pièces de remplissage, nécessaires à la composition. — Sur un des côtés de la salle règne une table étroite, longue de plusieurs mètres, dont la tablette, en fonte dressée, brille comme la glace d’un miroir : c’est le marbre, où se fera plus tard la mise en pages.

Quelques ouvriers sont déjà au travail. Ce sont les compositeurs en retard, ceux qui ont négligé de garnir dans la journée leur casse des caractères dont ils vont avoir besoin pour la soirée. De la main gauche ils tiennent en équilibre quelques lignes de la composition qui a servi au journal de la veille ; de la droite ils saisissent coup sur coup un fragment de ligne, ils le lisent d’un coup d'œil, et, le promenant sur la casse, ils en désagrègent successivement chaque lettre, qui tombe avec une précision merveilleuse dans le cassetin à elle destiné. C’est ce qu’on appelle la distribution.

Aux six coups de l'horloge la salle se garnit ; le metteur en pages est à son pupitre, la partie prête de la copie est distribuée, chacun est à sa place : le feu commence. Les compositeurs sont debout devant leur casse ; de la main gauche ils tiennent une règle ou lame en fer coudée à angle droit dans toute sa longueur, et formant à l’une de ses extrémités une sorte de boîte carrée ouverte d’un côté : c’est le composteur, où les lettres, les