Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/389

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en récitant nos vers et nos chants poétiques. Puisque vous avez le savoir en partage, venez nous faire connaître vos talents. Nous avons à notre disposition un jardin merveilleux, où nous allons tous les dimanches lire des ouvrages nouveaux. Le premier jour de-mai prochain, nous nous assemblerons dans ce charmant verger. Rien n'égalera notre joie, si vous vous y rendez aussi.

» Ceux qui nous remettront des ouvrages seront favorablement accueillis, et l'auteur du meilleur poème recevra, en signe d'honneur, une violette d'or fin »

L'invitation était aussi gracieuse que séduisante elle atteignit tout le succès que s'en étaient promis ceux qui l'avaient lancée. Le 1" mai 1324, le jardin de la gaie science s'ouvrit à une foule de poètes, venus de tous les pays d'alentour.

L'intérêt, la nouveauté du spectacle avaient en outre attire un grand nombre d'habitants de Toulouse, parmi lesquels les personnes les plus distinguées par leurs lumières ou leur rang, et notamment les capitouls, ou magistrats municipaux de 'l'année, ainsi que plusieurs de ceux qui avaient rempli cette charge considérable.

Le premier jour de la réunion fut employé à recevoir les ouvrages; le lendemain, les sept poètes toulousains asscmblêrcut pour juger ces poëmes le troisième jour, ils se prononcèrent, et donnèrent la joie de la violette d'or à maitre Arnauld Vidal de Castelnaudary.

La fête fut si belle, elle charma les assistants à ce point, que « le conseil de ville délibéra que dorénavant cette fleur qui provoquait une si grande émulation serait payée des revenus de la cité »

Ainsi fut inaugurée la fête annuelle des beaux; diseurs languedociens, qui s'y préparaient de toutes parts pendant l'année et, au jour dit, engageaient, devant un public nombreux et choisi, les plus charmantes luttes d'esprit et de doux langage.

A chaque fête nouvelle l'affluence devenant' plus grande, on ne tarda pas à joindre des "prix secondaires à la violette d'or, qui resta la Heur triomphale. On donna l'e~a~ME et le souci d'argent, auxquels on ajoutait même parfois un oM'Me< (aussi d'argent, mais de moindre valeur) à titre d'encouragement pour les jeunes poètes.

Et la réputation du co/~e <<<; la gaie scM~ce de. Toulouse, qui était devenu une véritable institution avec ses statuts, ses grades, ses prérogatives, allait se répandant de plus en plus.

Il en fut ainsi pendant environ un siècle, après quoi, des guerres, des calamités locales étant survenues, le zèle littéraire se trouvant diminué par ce fait même que déjà la langue du pays se transformait, se mélangeait, il arriva que peu n peu la fête du 3 mai devint moins brillante, et qu'enfin elle se trouva tout à fait suspendue après le concours de 1484,– année ou d'ailleurs la ville de Toulouse fut désolée par une peste horrible. Mais si le collége de la gaie science ne se réunissait, plus, si la main des meilleurs poëtes ne cueillait plus la violette d'or et l'églantine d'argent, le souvenir de ces aimables fêtes était resté bien vivant parmi cette population toujours sensible aux charmes du beau dire.

Alors une noble dame toulousaine eut l'idée de faire renaître la fête des fleurs ou jeux floraux, qu'elle considérait comme l'honneur de sa ville natale.

Chaque année, de son vivant, elle fit les frais dcb réunions et dos prix à décerner; et à sa,mort elle laissa par testament une riche dotation, qui devait à l'avenir assurer la célébration perpétuelle de la f&te.

Clémence Isaure, ainsi se nommait~la généreuse Toulousaine, fut dès lors regardée comme fondatrice du collége de la gaie science, ce qui, dit un historien, était une juste assertion, puisque sans Clémence Isaure l'institution des jeux floraux fût restée morte, et puisque c'est à elle qu'ils devaient leur nouvelle vie...

Clémence Isaure vivait à la fin du xve siècle il y a donc quelque trois cents ans, et depuis le jour ou elle distribua de ses mains les ~e:<~ HOMueMes (qu'on nomma ainsi par distinction des anciennes, que ne fournissaient plus les capitouls), la fête du 3 mai a toujours été célébrée à Toulouse, sauf toutefois pendant les années les plus agitées du siècle dernier.

Aujourd'hui encore, un concours annuel est ouvert par l'Académie des jeux iloraux, qui s'honore de cousidérer Clémence Isaure comme sa créatrice, on pourrait presque dire comme sa patronne, car c'est une véritable et pieuse vénération que le collège actuel de la gaie 'science voue au souvenir de la ~o~t'~f.' femme amie des poëtes et des beaux vers. Cette Académie, il faut le remarquer, se trou\c i.~ être ainsi le plus ancien des corps littéraires de notre pays; et ce titre a bien sa valeur.

Chaque année, un concours est ouvert, auquel tous les écrivains peuvent prendre part en y envoyant t 'leurs ouvrages et, chaque année, le 3 mai, se célèbre solennellement la fête des Bcurs, qui est pour la vieille cité languedocienne comme un, glorieux anniversaire national.

Dès le matin de ce jour-là, l'entrée de l'ancien palais des Capitouls est enguirlandée de feuillage la cour et l'escalier qui conduit à la o'a~cr:'e des J~MS~'g' ou les prix doivent être distribués, sont jonchés de verdure. Dès le matinaussi on a exposé surle maître autel de l'église de la Daurade les fleurs d'or et d'argent destinées aux vainqueurs du concours. La statue de Clémence Isaure, placée dans la salle de l'Académie, a été en même temps couronnée de roscs. A trois heures, la galerie des Illustres est ouverte au public; le corps académique fait son entrée au son des fanfares. La séance s'ouvre par l'éloge de Clémence Isaure, que prononce un des académiciens, ou des maires es j'eua; /!o)'a«a: (titre décerné aux concurrents qui ont été trois fois vainqueurs), puis une députation de l'Académie, précédée d'une musique, s'en va chercher proccssionnellement les fleurs a