Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/412

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dedans! Jamais je n'apprendrai rien! et ce n'est pas ma faute pourtant! il y en a tant d'autres qu'on veut envoyer à l'école, et qui ne veulent pas y aller! C'est cela qui n'est pas juste.

Mais ton père, est-ce qu'il ne peut pas t'apprendre ?

11 m'apprendra les airs qu'il sait; mais il ne connaît pas la musique qui est dans les livres. Pourtant il est le meilleur ménétrier du pays tu vois bien qu'il en sait assez. Pourquoi veux-tu en apprendre plus que lui ?  »

Ambroise repoussa Véronique avec un geste de colère. La petite fille le regarda.

«Tu as raison, lui dit-elle après un silence; il faut apprendre tout ce qu'on peut, et s'il faut que tu saches lire pour comprendre ce qui est là-dedans, eh bien, tu apprendras à lire!

Comment? demanda Ambroise étonné. Je ne sais pas encore mais il y a beaucoup de gens qui savent lire, ainsi il faut croire que ce n'est pas si difficile que de jouer du violon. Ne t'inquiète donc pas et étudie tes airs je t'aiderai. Tu sais bien que je t'ai promis de t'aimer; j'ai bien empêché les méchants gars de casser ton violon, l'autre jour. Tu es bonne dit Ambroise en soupirant. Allons, je vais tâcher de me consoler, et' nous chercherons ensemble quelqu'un pour nous apprendre à lire. »

A suivre.

Mme Colomb.


LE JEU DE BOULES

Le lo mai dernier, il s'est tenu à Toulon un;grand concours, dont vous soupçonneriez difficilement la nature, un grand concours de joueurs de boules! Les amateurs du noble jeu, convoques de toutes les parties de la Provence et du Languedoc,

se sont rendus en grand nombre pour prendre- part à ce tournoi. Aussi la ville s'était-elle préparée à les recevoir avec honneur. Le théâtre de la lutte était une des grandes allées de la verte promenade qui entoure notre belle cité du Midi; là, en présence d'une foule nombreuse, il s'est joué nombre de partics savantes, dont tous les points étaient religieusement enregistrés par un jury spécial des paris considérables avaient été engagés sur les divers joueurs en renom. Le soir, les vainqueurs ont été proclamés. Il n'est pas de Parisien d'un certain qui ne connaisse le jeu de boules; il y eut un temps où il était fort en vogue dans les environs de Paris. Il n'était alors pas de guinguette, pas de restaurant de barrière, sur la porte duquel on ne vit écrit en grosses lettres Ici il y a un jeu de boules. A Paris même, les ombrages silencieux du vieux Luxembourg, les vastes allées de Montparnasse ou de la place des Invalides, étaient le rendez-vous des amateurs de la boule ferrée. Aujourd'hui, la table de billard a détrône l'allée oit roulaient les lourdes sphères de bois; on ne fait plus d'uvre de force, niais seulement d'adresse.

En Provence, le jeu de boules a conservé toute son antique splendeur. Chaque ville, chaque village, possède sa société d'amateurs; lorsqu'une partie est engagée, toute la population vient y assister. Un se divise en deux camps, on s'anime, on parie; des enjeux, parfois considérables, sont engagés sur tel ou tel joueur, réputé pour son talent à lancer la boule et à décider d'une partie en écartant ses adversaires et en se plaçant lui-même le plus près de la petite balle de fer qui représente le centre de la partie. Les véritables amateurs apportent le plus grand soin dans le choix de leurs boules; ce sont généralement.des billes de buis parfaitement sphériques, revêtues de clous à large tête, plantés symétriquement sur toute la surface, de manière à former une véritable cuirasse.

Chaque joueur a deux boules formant un jeu, qu'il porte avec lui dans un sac, et qu'il entoure des plus grands soins. Il en connaît le poids, les déviations, la conduite, et se garderait bien de les prêter ou de jouer avec d'autres que les siennes. Ce jeu parait tout d'abord d'une extrême simplicité il consiste à placer deux boules le plus près possible d'un but mobile indiqué par une halle, de fer, mais il demande de la vigueur et de l'adresse, et se prête à de nombreuses combinaisons; car, par suite de coups heureux, le but se trouve souvent déplacé, et change à chaque instant toutes les phases de la partie.

L'origine du jeu de boules remonte à une haute antiquité. En France, il fut populaire dès le moyen âge; les soldats, les paysans y jouaient avec passion. On raconte que Louis XIII, se rendant un jour à cheval au rendez-vous de chasse, qui se trouvait alors sur l'emplacement occupé depuis par le château de Versailles, rencontra au bas de la côte, à