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Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/61

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Mme Defert entendit ce mot, qui fut pour elle la confirmation de bien des remarques qu’elle avait faites jusque-là, mais d’où elle hésitait encore à tirer une conclusion. Depuis que Jean fréquentait le monde, il avait beaucoup perdu. Le mot qu’il venait de prononcer était à la fois égoïste et brutal.

Jean égoïste ! Où donc avait-il pu contracter ce défaut que personne n’avait dans la famille ?

Mme Defert ne prit pour confident de sa découverte que l’oncle Jean. Il est bien convenu que sur beaucoup de points l’oncle Jean laissait à désirer, mais c’était un guide sûr dans toutes les questions d’honneur et de délicatesse. Il avait l’âme élevée, le cœur droit, avec la simplicité d’un enfant. Ses conseils valaient de l’or, sa nièce en avait fait souvent l’expérience ; il en savait plus sur certaines questions que les éducateurs brevetés et patentés.

« Ho ! ho ! dit-il en passant à plusieurs reprises la paume de sa main sur sa moustache. Ça va bien ! (traduisez : ça va mal !) Défaut pour défaut, j’en aimerais mieux un autre pour mon lancier. Heureusement que tu es là, ma chère. (Il ne lui serait jamais venu à l’idée de dire : Heureusement que nous sommes là !) Je m’en rapporte à toi pour mettre bon ordre à cela. Si Jean continuait, il deviendrait tout simplement ce que nous appelons au régiment un fils de famille, c’est-à-dire une peste. Ce serait du joli. J’en ai connu de ces petits jeunes gens que les familles nous envoyaient quand elles ne savaient plus qu’en faire. Il y en avait qui se formaient au régiment, mais bien peu. Ces jolis messieurs qui tiennent tant à leurs petits plaisirs, et à leurs petites aises, finissent par tenir trop à leur petite peau. Très jolis à la parade ; quand il s’agit de donner ou de recevoir des coups, bonsoir ! C’est assez bon pour les autres. Ils ont grand soin du fils de leur mère, ceux-là, et l’on peut être sûr qu’ils le lui ramèneront sans une égratignure. Puisque mon lancier aime tant les histoires de régiment, tu me diras quand ce sera le moment de lui raconter celle du lieutenant Taragne. »

A suivre

J. Girardin


UN TRAIT DE LA BEAUTÉ

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La plus grande souveraine du monde, la plus ancienne et à la fois la plus jeune ; celle a qui non-seulement rien ne résiste, mais a laquelle chacun se soumet de lui-même, entraîne par un attrait irrésistible : c’est la beauté !

Les poëtes ont chanté tous les traits de la beauté… moins un ! Ils ont vanté les yeux, leur forme, leur couleur, leur regard, étincelant comme l’éclair ou caressant comme le velours.

Ils ont célèbre la noblesse du front. la fierté du nez, le coloris et la pureté des lèvres, la délicatesse du menton.

Ils ont signalé la grâce du cou, la souplesse de la taille, la blancheur de la main ; mais ils ont oublié de parler des ongles ! et pourtant, les ongles ne sont-ils pas l’une des principales beautés de la main ? Y a-t-il une main, fût-ce celle de Vénus, qui osât se croire belle, si l’extrémité de ses doigts est déformée par des ongles ternes, grossiers, tordus, ou presque dépourvue de cet utile ornement par une cause quelconque ?

Quelle main, au contraire, peut être estimée laide, si, quels que soient sa forme, sa couleur ou même son âge, elle est ornée de jolis ongles bienfaits, rosés, ni opaques ni trop diaphanes, d’une carrure un peu allongée, doucement arrondis aux angles, et bordés d’une fine nervure, délicate et solide comme l’ongle lui-même ?

Car l’ongle bien fait réunit les trois attributs ordinaires de la perfection : la beauté, l’utilité et la force.

L’ongle doit être charmant comme un pétale de rose, vaillant comme un instrument de trayait, et redoutable comme une arme.

Les ongles sont en effet des instruments de travail. La main serre plus fort, les doigts sont plus agiles et plus dextres, quand leur effort vient se résumer et se concentrer en quelque sorte dans une série d’ongles bien constitues.

Il sont aussi une arme, et ils blessent de deux manières : on sait quelles traces peut laisser sur le visage d’un ennemi la main la plus mignonne ; et l’on affirme que la substance cornée dont se composent les ongles est une substance toxique. Poison violent si on le prend à haute dose : lent et médicamenteux si on ne le prend qua petites doses, comme le font les personnes qui, semblables a des lions affames, se dévorent continuellement les ongles : mais alors cette habitude, en altérant la saute, produit dans l’attitude et la physionomie des effets de plus en plus déplorables.

La mode car la mode a l’indiscrétion de se mêler de tout, et souvent de ce qui ne la regarde pas, la mode a entrepris, il y a quelques années, de s’en pren-