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les mille nuits et une nuit

dique ce salaire-ci. Mais mon cœur et mon être intime travaillent à votre sujet. Et je me demande quelle peut être votre vie, puisque vous habitez seules et que vous n’avez ici aucun homme qui vous tienne compagnie humaine. Ne savez-vous pas qu’un minaret n’est vraiment bien qu’à la condition d’être l’un des quatre minarets de la mosquée ? Or, ô mes maîtresses, vous n’êtes que trois et il vous manque un quatrième ! Or, vous savez que le bonheur des femmes ne devient parfait qu’avec les hommes ! Et, comme dit le poète, un accord ne saurait être harmonieux à moins de quatre instruments réunis : une harpe, un luth, une cithare et un flageolet ! Or, ô mes maîtresses, vous n’êtes que trois, et il vous manque le quatrième instrument, le flageolet, qui serait un homme sage, plein de cœur et d’intelligence, artiste habile et sachant garder un secret ! »

Et les jeunes filles lui dirent : « Mais, ô portefaix, ne sais-tu pas que nous sommes vierges ? Aussi avons-nous bien peur de nous confier à un indiscret. Et nous avons lu les poètes qui disent : Méfie-toi de toute confidence, car un secret révélé est aussitôt perdu ! »

À ces paroles, le portefaix s’écria : « Je le jure sur votre vie, ô mes maîtresses ! Je suis un homme sage, sûr et fidèle, qui a lu les livres et étudié les annales ! Je ne raconte que des choses agréables, et je garde soigneusement, sans en parler, toutes les choses tristes. En toute occasion j’agis d’après le dire du poète :

Seul l’homme bien doué sait taire le secret. Seuls