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histoire du portefaix…
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le luth : elle l’appuya sur son sein arrondi, le pinça du bout des doigts et chanta :

Si l’on venait se plaindre à nous de l’amour, que répondrions-nous ? Si nous-mêmes nous étions abîmés par l’amour, que ferions-nous ?

Car, si nous chargeons un interprète de répondre pour nous, l’interprète, en vérité, ne saura point rendre toutes les plaintes d’un cœur amoureux.

Et, si nous patientons et souffrons en silence la fuite du bien-aimé, la douleur aura bientôt fait de nous mettre à deux doigts de la mort !

Ô douleur ! Il n’y a plus pour nous que les regrets, le deuil, et les larmes ruisselantes sur les joues.

Et toi, cher absent, qui as fui les regards de mes yeux et coupé les liens qui t’attachaient à mes entrailles,

Dis ! as-tu, du moins, gardé en toi une trace de notre amour passé, une petite trace qui durerait en dépit du temps ?

Ou as-tu oublié, grâce à l’absence, la cause qui a épuisé toutes mes forces, et, par toi, m’a mis dans cet état de maigreur et de faiblesse ?

Si donc l’exil doit ainsi être mon partage, je demanderai un jour compte à Dieu, notre Seigneur, de toutes mes souffrances !

À ce chant triste, la maîtresse du logis déchira ses habits, comme sa première sœur, pleura et tomba évanouie. Et la pourvoyeuse se leva et l’habilla d’une seconde robe, après avoir pris soin de lui jeter de l’eau sur la figure et de la faire revenir à elle-