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histoire du portefaix…
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humain ou un genni ? » Je lui répondis : « Un être humain. » Et elle me dit : « Mais, alors, qui a pu te conduire en ce lieu où je me trouve depuis vingt ans sans avoir jamais vu un être humain ? » À ces paroles, que je trouvai pleines de délices et de douceur, je lui dis : « Ô ma maîtresse, c’est Allah qui m’a conduit à ta demeure, pour qu’enfin soient oubliées toutes mes peines et mes douleurs. » Et je lui racontai tout ce qui m’était arrivé, depuis le commencement jusqu’à la fin. Et cela lui fit pour moi beaucoup de peine vraiment, car elle pleura et me dit : « Moi aussi, je vais te raconter mon histoire :

« Sache donc que je suis la fille du roi Aknamus, le dernier roi de l’Inde, maître de l’Île d’Ébène. Il m’avait marié avec le fils de mon oncle. Mais, la nuit même de mes noces, avant que j’eusse perdu ma virginité, un éfrit m’enleva, qui s’appelait Georgirus, fils de Rajmus, fils d’Éblis lui-même ! Il m’emporta et s’envola et me déposa en cet endroit-ci, où il transporta tout ce que je pouvais désirer en fait de confitures et de sucreries, de robes, d’étoffes précieuses, de meubles, de vivres et de boissons. Depuis ce temps-là, il vient me voir tous les dix jours, et couche une nuit avec moi, ici même, et s’en va le matin. Il me prévint aussi que, si j’avais besoin de lui pendant les dix jours réguliers qu’il passait loin de moi, je n’avais, fît-il jour ou fît-il nuit, qu’à toucher de la main ces deux lignes qui sont là écrites, sous la coupole de cette salle. Et, en effet, depuis lors, sitôt que je touche cette inscription, je le vois apparaître. Cette fois-ci, il y a déjà quatre jours qu’il n’est venu, et il lui reste encore six jours à être absent. Aussi