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les mille nuits et une nuit

verneur juste de ses ouailles durant l’espace de vingt années. Et ils furent tous deux à la limite de la dilatation et de l’épanouissement.

Et ils ne cessèrent d’être ainsi, jusqu’à ce que le roi le grand eût l’ardent désir de voir son frère le petit. Alors il ordonna à son vizir de partir, et de revenir avec lui. Le vizir lui répondit : « J’écoute et j’obéis ! »

Puis il partit et arriva en toute sécurité par la grâce d’Allah : il entra chez le frère, lui transmit la paix[1] et lui apprit que le roi Schahriar désirait ardemment le voir, et que le but de ce voyage était de l’inviter à aller visiter son frère. Le roi Schahzaman lui répondit : « J’écoute et j’obéis ! » Puis il fit faire ses préparatifs de départ et sortir ses tentes, ses chameaux, ses mulets, ses serviteurs et ses auxiliaires. Ensuite il éleva son propre vizir gouverneur du pays, et sortit demandant les contrées de son frère.

Mais, vers le milieu de la nuit, il se rappela une chose oubliée au palais, et revint et entra dans le palais. Et il trouva son épouse étendue sur sa couche et accolée par un esclave noir d’entre les esclaves. À cette vue, le monde noircit sur son visage. Et il dit en son âme : « Si telle aventure est survenue alors que je viens à peine de quitter ma ville, quelle serait la conduite de cette débauchée si je m’absentais quelque temps chez mon frère ? » Sur ce, il tira son épée et, frappant les deux, les tua sur les tapis de la couche. Puis il s’en retourna au moment même et à l’heure même, et ordonna le départ du campement. Et il voyagea la nuit jusqu’à ce qu’il fût arrivé à la ville de son frère.

Alors se réjouit son frère de son approche, et sortit vers lui et, en le recevant, lui souhaita la paix ; et il se réjouit à la limite de la joie, et décora pour lui la ville, et

  1. « Que la paix (ou le salut) soit avec toi ! » est le salut usité chez les musulmans.