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histoire du vizir noureddine…
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à ces pleurs, et il pleura. Et l’eunuque lui-même hochait la tête avec beaucoup d’assentiment. Mais tout cela ne les empêcha de faire honneur au délicieux bol de grenades parfumées et apprêtées avec tant d’art. Et ils mangèrent jusqu’à satiété, tant c’était exquis.

Mais, comme le temps pressait, Hassan ne put en savoir plus long ; et l’eunuque emmena Agib et s’en alla pour rejoindre les tentes du vizir.

À peine Agib parti, Badreddine sentit son âme s’en aller avec lui, et, ne pouvant résister au désir de le suivre, ferma vite sa boutique et, sans soupçonner aucunement que le petit Agib fût son fils, il sortit et hâta le pas en les suivant et les atteignit avant qu’ils n’eussent franchi la grande porte de Damas.

Alors l’eunuque s’aperçut que le pâtissier les avait suivis, et il se retourna et dit : « Pourquoi nous suis-tu, pâtissier ? » Et Badreddine répondit : « Simplement parce que j’ai une petite affaire à régler en dehors de la ville, et j’ai voulu me joindre à vous deux pour faire route commune, et m’en retourner ensuite. D’ailleurs, votre départ m’a arraché l’âme du corps ! »

À ces paroles, l’eunuque fut très en colère, et s’écria : « En vérité, ce bol nous coûte fort cher ! Quel bol de malheur ! Ce pâtissier va maintenant nous faire tourner notre digestion ! Le voilà maintenant qui se met à nos trousses d’un endroit à l’autre ! » Alors Agib se retourna et vit le pâtissier, et il devint fort rouge et balbutia : « Saïd, laisse-le ! Le chemin d’Allah est libre pour tous les musulmans ! » Puis il ajouta : « Mais s’il continue à nous