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les mille nuits et une nuit

et des verres en morceaux. À cette vue il récita encore un vers d’un poète :

Ô Poète, le vent de la fortune jamais de ton côté ne soufflera ! Ignores-tu, naïf, que ni ta plume de roseau ni les lignes harmonieuses de l’écriture ne t’enrichiront jamais ?

Et, levant la tête au ciel, il s’écria : « Allah ! Tu le sais ! je ne jette mon filet que quatre fois. Or, voici que je l’ai déjà jeté trois fois ! » Après cela, il invoqua encore une fois le nom d’Allah, et jeta son filet dans la mer, et attendit qu’il reposât au fond. Et cette fois, malgré tous ses efforts, il ne réussit point à retirer le filet, qui s’accrochait encore davantage aux roches du fond. Alors il s’écria : « Il n’y a de force et de puissance qu’en Allah ! » Puis il se dévêtit, plongea tout autour du filet et se mit à manœuvrer jusqu’à ce qu’il l’eût dégagé et ramené à terre. Il l’ouvrit et y trouva, cette fois, un grand vase de cuivre jaune, plein et intact ; son embouchure était scellée avec du plomb portant l’empreinte du sceau de notre seigneur Soleïman[1], fils de Daoud. À cette vue le pêcheur se réjouit beaucoup, et se dit : « Voilà une chose que je vendrai dans le souk[2] des chaudronniers, car cela vaut bien au moins dix dinars d’or ! » Il essaya alors de faire ballotter le vase, mais il le trouva trop pesant, et il se dit : « Il me faut absolument l’ouvrir et voir son

  1. Salomon, fils de David. Les Arabes le considèrent comme le maître des génies bienfaisants et malfaisants.
  2. Souk, marché.