sur le dos de sa monture et la mit en croupe et partit. En passant dans une petite île déserte, l’esclave lui dit : « Ô mon maître, je désirerais faire passer une nécessité ! » Alors il la descendit dans l’îlot, et, voyant qu’elle tardait trop et qu’elle était trop lente, il entra derrière elle sans qu’elle s’en aperçût : or c’était une goule ! Et elle disait à ses enfants : « Ô mes enfants, aujourd’hui je vous ai amené un jeune garçon bien gras ! » Et ils lui dirent : « Oh ! porte-le-nous, ô notre mère, pour que nous le mangions dans nos ventres ! » Lorsque le prince entendit leurs paroles, il ne douta plus de sa mort, et ses muscles frémirent, et il fut plein de terreur pour lui-même, et il revint. Quand la goule sortit [de sa tanière] elle vit qu’il avait peur comme un poltron et qu’il tremblait, et elle lui dit : « Qu’as-tu à avoir peur ? » Il répondit : « J’ai un ennemi dont j’ai peur. » Et la goule lui dit : « Toi, tu m’as bien dit ceci : Je suis un prince… ? » Il répondit : « Oui, en vérité. » Elle lui dit : « Alors pourquoi ne donnes-tu pas quelque argent à ton ennemi pour le satisfaire ? » Il répondit : « Oh ! il ne se satisfait pas avec l’argent, et il ne se satisfait qu’avec l’âme ! Or, moi j’en ai bien peur, et je suis un homme victime de l’injustice ! » Elle dit : « Si tu es opprimé, comme tu le prétends, tu n’as qu’à demander l’aide d’Allah contre ton ennemi ; et Il te sauvegardera de ses maléfices et des maléfices de tous ceux dont tu as peur ! » Alors le prince leva la tête vers le ciel, et dit : « Ô Toi, qui réponds à l’opprimé s’il t’implore, et lui découvres le mal, fais-moi triompher de mon ennemi, et éloigne-le de moi, car tu as le pouvoir sur
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