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histoire du dormeur éveillé
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demain le nerf de bœuf, les chaînes, l’hôpital des fous et la cage de fer ! » Puis il cria encore : « Ah ! infâme marchand de Mossoul, puisses-tu étouffer dans les bras du Cheitân, ton maître, au fond de l’enfer. C’est encore toi qui, sans doute, n’ayant pas fermé la porte, a laissé le Cheitân entrer dans ma maison et me posséder. Et maintenant le Malin me renverse la cervelle et me fait voir des choses extravagantes. Qu’Allah te confonde, ô Cheitân, toi, ainsi que tes suppôts et tous les marchands de Mossoul ! » Et puisse la ville de Mossoul en entier s’écrouler sur ses habitants, et les étouffer sous ses décombres ! Puis il ferma les yeux, et les ouvrit, et les referma encore et les rouvrit, et cela à plusieurs reprises, et il s’écria : « Ô pauvre Aboul-Hassân, ce que tu as de mieux à faire, c’est de te rendormir tranquille, et de ne te réveiller que lorsque tu auras bien senti que le Malin est sorti de ton corps et que ta cervelle s’est rétablie à sa place ordinaire ! Sinon gare, demain, ce que tu sais ! » Et, disant ces paroles, il se rejeta dans son lit, ramena la couverture par-dessus sa tête, et, pour se donner à lui-même l’illusion de dormir, se mit à ronfler comme un chameau en rut ou comme un troupeau de buffles dans l’eau.

Or, le khalifat, derrière le rideau, fut, de voir et d’entendre cela, secoué d’un rire tel qu’il faillit étouffer.

Quant à Aboul-Hassân, il ne put réussir à dormir, car la jeune Canne-à-Sucre, sa préférée, s’approcha, suivant les instructions qu’elle avait reçues, du lit où il ronflait sans dormir, et s’assit sur le bord du lit, et, d’une voix gentille, dit à Aboul-Hassân : « Ô émir