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les mille nuits et une nuit

délicieusement cette proie, reprit : « Ô frère mien, pourquoi ne veux-tu pas m’honorer d’une réponse ou condescendre à m’adresser un mot ou seulement abaisser ton regard vers moi qui suis l’émissaire de notre sultan le Lion, souverain des animaux, et de notre sultan l’Aigle, souverain des oiseaux ? Or, permets-moi de te rappeler que si tu persistes dans ton silence à mon égard, je serai obligé de rapporter la chose au conseil ; et il serait beaucoup à craindre que tu tombasses sous le coup de la nouvelle loi qui est inexorable dans son désir d’établir la paix universelle, au risque même de faire égorger la moitié des vivants. Je te prie donc une dernière fois, ô mon frère charmant, de me dire seulement pourquoi tu ne me réponds pas ! »

Alors le Coq, qui jusque-là s’était cantonné dans sa hautaine indifférence, tendit le cou, et, inclinant la tête de côté, abaissa le regard de son œil droit vers le Renard, et lui dit : « En vérité, ô mon frère, tes paroles sont sur ma tête et sur mes yeux, et je t’honore en mon cœur comme l’envoyé et le commissaire et le messager et le chargé de pouvoirs et l’ambassadeur de notre sultan l’Aigle. Mais, si je ne te répondais pas, ne va pas croire que ce fût par arrogance ou par rébellion ou par tout autre sentiment répréhensible, non ! par ta vie, non ! c’était seulement parce que j’étais fort troublé par ce que je voyais et continue à voir au loin, là-bas, devant moi ! » Et le Renard demanda : « Par Allah sur toi, ô mon frère, et que voyais-tu et continues-tu à voir comme ça ? Éloigné soit le Malin ! Rien de grave, j’espère, ni de calamiteux ? » Et le Coq tendit encore