Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
les mille nuits et une nuit

moi, de plus en plus perplexe, je me décidai à aborder l’un des passants et à lui demander ce que signifiait le spectacle dont j’avais été le témoin, et le nom de la dame merveilleuse qui montait la jument au front étoilé. Mais, à mon grand étonnement, l’homme me jeta un regard affolé, devint bien jaune de teint et, relevant les pans de sa robe, il me tourna le dos et livra ses jambes au vent, en une course plus rapide que s’il était poursuivi par l’heure de son destin. Et moi j’abordai un second passant, et lui posai la même question. Mais au lieu de me répondre, il fit semblant de ne m’avoir ni vu ni entendu, et continua son chemin, en regardant du côté opposé. Et j’interrogeai encore une quantité d’autres personnes : mais pas une ne voulut répondre à mes questions ; et tout le monde me fuyait comme si je sortais d’une fosse d’excréments ou comme si je brandissais une épée coupeuse de têtes. Alors moi, je dis à moi-même : « Ô derviche un tel, il ne te reste plus, pour éclaircir l’affaire, qu’à entrer dans la boutique d’un barbier, pour te faire raser la tête, et en même temps interroger le barbier. Car, tu le sais, les gens qui exercent ce métier ont la langue chatouilleuse, et la parole toujours sur le bout de la langue. Et lui seul peut-être t’apprendra ce que tu cherches à savoir ! » Et, ayant réfléchi de la sorte, j’entrai chez un barbier et, après l’avoir généreusement payé avec tout ce que je possédais, je lui parlai de ce que j’avais tant à cœur de savoir, et lui demandai quelle était la dame à la beauté surnaturelle. Et le barbier, assez terrifié, roula des yeux à droite et à gauche, et finit par répondre :