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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/126

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les mille nuits et une nuit

Et je jugeai, d’après la mesquinerie d’une telle largesse et la nature même de cette générosité, que tu ne devais être que le fils d’un cuisinier, la postérité d’un cuisinier et le sang d’un cuisinier. Car les rois fils de rois n’ont pas coutume de reconnaître le mérite par des distributions de viande ou autre chose semblable, mais ils récompensent les méritants par de magnifiques présents, des robes d’honneur et des richesses sans calcul. Aussi, je ne pus faire autrement que de deviner ta basse extraction adultérine par cette preuve sans réplique. Et il n’y a point de mérite à cette découverte ! »

Lorsque le généalogiste eut cessé de parler, le sultan se leva et lui dit : « Ote tes habits ! » Et le généalogiste obéit, et le sultan se dépouillant de ses habits et de ses attributs royaux, l’en revêtit de ses propres mains. Et il le fit monter sur le trône, et, se courbant devant lui, il embrassa la terre entre ses mains, et lui rendit les hommages d’un vassal à son suzerain. Et, à l’heure et à l’instant, il fit entrer le grand-vizir, les autres vizirs et tous les grands du royaume, et le fit reconnaître par eux pour leur légitime souverain. Et le nouveau sultan envoya aussitôt chercher ses amis, les deux autres généalogistes mangeurs de haschich, et nomma l’un gardien de sa droite et l’autre gardien de sa gauche. Et il conserva l’ancien grand-vizir dans ses fonctions, à cause de son sentiment de la justice. Et il fut un grand roi.

Et voilà pour les trois généalogistes !

Mais, pour ce qui est de l’ancien sultan, son histoire ne fait que commencer. Car voici…