Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/129

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histoire compliquée de l’adultérin…
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le poète qui a dit : « Égypte ! terre merveilleuse dont la poussière est d’or, dont le fleuve est une bénédiction, et dont les habitants sont délectables, tu appartiens au victorieux qui sait te conquérir ! »

Et se promenant, et regardant, et s’émerveillant, sans se lasser, l’ancien sultan se sentait, sous ses habits de derviche pauvre, tout heureux de pouvoir admirer à son aise, et marcher à sa guise, et s’arrêter à son gré, débarrassé des ennuis et des charges de la souveraineté. Et il pensait : « Louange à Allah le Rétributeur ! Il donne aux uns la puissance avec les fardeaux et les soucis, et aux autres la pauvreté avec l’insouciance et la légèreté de cœur. Et ce sont les derniers qui sont les plus favorisés ! Qu’Il soit béni ! » Et il arriva de la sorte, riche de visions charmantes, devant le palais même du sultan du Caire, qui était alors le sultan Mahmoud.

Et il s’arrêta sous les fenêtres du palais, et, appuyé sur son bâton de derviche, il se mit à réfléchir sur la vie que pouvait mener dans cette demeure imposante le roi du pays, et sur le cortège de préoccupations, d’inquiétudes et d’ennuis divers où il devait être constamment plongé, sans compter sa responsabilité devant le Très-Haut qui voit et juge les actions des rois. Et il se réjouissait en son âme d’avoir songé à se libérer, grâce à sa naissance dévoilée, d’une vie si lourde et si compliquée, et de l’avoir échangée contre une existence de plein air et de liberté, n’ayant pour tout bien et pour tout revenu que sa chemise, son manteau de laine et son bâton. Et il sentait une grande sérénité qui lui rafraîchissait l’âme et achevait de lui faire oublier ses émotions passées.