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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/157

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histoire de l’adultérin… (premier fou)
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vis d’elle, et que même je fusse prêt, le cas échéant, à lui donner pour rien une ou deux pièces d’étoffe. Mais, à la fin, elle me dit : « Ya Khawaga, je vois que nous n’allons jamais nous entendre, si nous continuons de la sorte. Aussi le plus simple serait que tu me fisses la faveur de m’accompagner à la maison, pour y toucher le prix de ta marchandise. » Alors moi, ne voulant point la contrarier, je me levai, fermai ma boutique et la suivis.

Et nous marchâmes, elle me précédant et moi à dix pas derrière elle, jusqu’à ce que nous fussions arrivés à l’entrée de la rue où se trouvait sa maison. Alors elle s’arrêta et, tirant de son sein un foulard, elle me dit : « Il faut que tu consentes à te laisser bander les yeux avec ce foulard. » Et moi, bien étonné de cette singularité, je la priai poliment de m’en donner la raison. Et elle me dit : « C’est parce qu’il y a, dans cette rue que nous allons traverser, des maisons dont les portes sont ouvertes, et où les femmes sont assises, la face nue, dans les vestibules ; de telle sorte que, peut-être, ton regard tomberait sur l’une d’elles, mariée ou jeune fille, et ton cœur alors pourrait s’engager dans une affaire d’amour, et tu serais bien tourmenté dans ta vie ; car, dans ce quartier de la ville, il y a plus d’un visage, de femme mariée ou de vierge, si beau qu’il séduirait l’ascète le plus religieux. Et moi je crains beaucoup pour la paix de ton cœur…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.