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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/190

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les mille nuits et une nuit

spectacle semblable à celui qui s’offrit à mes regards ! — je vis la créature humaine la plus difforme, la plus dégoûtante, la plus repoussante, la plus détestable, la plus répugnante et la plus nauséeuse qu’on puisse voir dans le plus pénible des cauchemars. Et certes ! c’était un objet de laideur bien plus effroyable que celui que m’avait dépeint l’adolescente, et un monstre de difformité, et une loque si pleine d’horreur qu’il me serait impossible, ô mon seigneur, de t’en faire la description sans avoir un haut-le-cœur et tomber à tes pieds sans connaissance. Mais qu’il me suffise de te dire que celle qui était devenue mon épouse, avec mon propre consentement, renfermait en sa personne nauséabonde tous les vices légaux et toutes les abominations illégales, toutes les impuretés, toutes les fétidités, toutes les aversions, toutes les atrocités, toutes les hideurs, et toutes les dégoûtations qui peuvent affliger les êtres sur qui pèse la malédiction. Et moi, me bouchant le nez et détournant la tête, je laissai retomber son voile, et je m’éloignai d’elle dans le coin le plus retiré de la chambre, car si même j’avais été un Thébaïdien mangeur de crocodile, je n’eusse pu induire mon âme à une approche charnelle avec une créature qui offensait à ce point la face de son Créateur.

Et, m’étant assis dans mon coin, avec mon visage tourné vers le mur, je sentais tous les soucis envahir mon entendement, et toutes les douleurs du monde monter dans mes reins. Et je gémis du fond du noyau de mon cœur. Mais je n’avais pas le droit de dire un seul mot, ou d’émettre la moindre plainte,