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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/193

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histoire de l’adultérin… (deuxième fou)
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part des marchands s’étaient rendus à la mosquée ou prenaient leur repos du milieu du jour, quand voici ! à quelques pas devant moi, l’adolescente du parfait amour, la vraie, celle qui était l’auteur de ma mésaventure et la cause de mes tortures. Et elle s’avançait de mon côté, souriante au milieu de ses cinq esclaves, et se penchait mollement, et se balançait de droite et de gauche voluptueusement, avec ses traînes et ses soieries, souple comme un jeune rameau de bân au milieu d’un jardin d’odeurs. Et elle était encore plus somptueusement parée que le jour précédent, et si émouvante dans sa démarche que, pour la mieux voir, les habitants du souk se rangèrent en espalier, sur son passage. Et, d’un air d’enfant, elle entra dans ma boutique, et me jeta le plus gracieux salam, et me dit en s’asseyant : « Que ce jour soit pour toi une bénédiction, ô mon maître Olâ Ed-Dîn, et qu’Allah soutienne ton bien-être et ton bonheur et mette le comble à ton contentement ! Et que la joie soit avec toi ! la joie avec toi ! »

Or, moi, ô mon seigneur, dès que je l’avais aperçue, j’avais déjà froncé les sourcils et grommelé des malédictions en mon cœur. Mais quand je vis avec quelle audace elle se jouait de moi, et comment elle venait me provoquer, après son coup perpétré, je ne pus me retenir plus longtemps ; et toute ma grossièreté d’autrefois, quand j’étais vertueux, me vint aux lèvres ; et j’éclatai en injures, lui disant : « Ô chaudron plein de poix, ô casserole de bitume, ô puits de perfidie ! que t’ai-je donc fait pour m’avoir traité avec cette noirceur, et plongé dans un abîme sans issue ? Qu’Allah te maudisse et maudisse l’ins-