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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/237

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paroles sous les 99 têtes coupées
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abîmes, peuvent être comblés en un instant, et le ciel peut s’unir à la terre en moins d’un clin d’œil : car il ne faut, pour opérer cette union, ni des armées de genn et d’êtres humains ni des ailes par milliers, mais simplement une chose qui est plus puissante que toutes les forces des genn et des humains, et plus légère et plus douée de vertu que les ailes de l’aigle et de la colombe, et c’est la prière ! — Et je ne te dirai pas, ô princesse, que les deux ennemis éternels sont la nuit et le jour, car le matin les unit et le crépuscule les sépare, tour à tour. — Et je ne te dirai pas que les deux ennemis éternels sont le soleil et la lune, car ils éclairent la terre et sont unis par les mêmes bienfaits. — Et je ne te dirai pas que les deux ennemis éternels sont l’âme et le corps, car si nous connaissons l’un, nous ignorons complètement l’autre, et l’on ne peut émettre un avis sur ce que l’on ne connaît pas ! Mais je t’affirme, ô princesse, que les deux ennemis éternels sont la mort et la vie, car ils sont aussi néfastes l’un que l’autre, puisqu’ils se servent de l’être créé comme d’un jouet, qu’ils se combattent sans répit aux dépens de ce jouet, et que c’est le jouet qui finit par être la vraie victime de ce jeu, alors qu’eux-mêmes ne font que croître et prospérer. En vérité, voilà les deux ennemis éternels, ennemis d’eux-mêmes et ennemis des créatures. »

En entendant cette réponse de l’adolescent, la foule entière s’écria d’une seule voix : « Louanges à Celui qui t’a doué de tant de sagesse, et qui a orné ton esprit de tant de raison et de savoir ! » Et la princesse, assise sur la tour au milieu des jeunes filles, habillées comme elle de pourpre royale, dit :