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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/252

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les mille nuits et une nuit

colorent les cieux au crépuscule ! Et toi, ô grand guerrier qui portes sur tes épaules cette peau de lion, et sur ta tête ces deux cornes de bélier, tu es, sans aucun doute, le grand Iskandar aux deux cornes ! Et toi, enfin, ange bienheureux qui tiens dans ta droite cette clarinette glorieuse, tu es, sans aucun doute, l’ange du jugement dernier ! »

À ce discours du bouffon du sultan, les quatre gaillards se pincèrent mutuellement les cuisses, et se dirent tout bas les uns aux autres, tandis que le bouffon continuait à embrasser la terre, à genoux à quelque distance : « Le sort nous favorise ! Et puisqu’il nous croit réellement de saints personnages, confirmons-le dans sa croyance. Car c’est, pour nous, la seule chance de salut. » Et ils se levèrent à l’instant et dirent : « Eh oui, par Allah ! tu ne te trompes pas, ô un tel ! Nous sommes, en effet, ceux que tu as nommés. Et nous sommes venus te visiter, en entrant par les cabinets, puisque c’est le seul endroit de la maison qui soit à ciel ouvert. » Et le bouffon, toujours prosterné, leur dit : « Ô saints et illustres personnages, Job le lépreux, Khizr père des saisons, Iskandar aux deux cornes et toi, messager annonciateur du Jugement, puisque vous me faites l’honneur insigne de me visiter, permettez-moi de faire un souhait entre vos mains ! » Et ils répondirent : « Parle ! parle ! » Il dit : « Faites-moi la grâce de m’accompagner au palais du sultan de cette ville, qui est mon maître, afin que je vous fasse faire sa connaissance, et que, ce faisant, il me soit obligé et me tienne en ses bonnes grâces ! » Et ils répondirent, bien que fort hésitants : « Nous t’accordons cette grâce ! »