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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/322

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les mille nuits et une nuit

En effet, pendant que Morgane était dans sa cuisine en train de laver les plateaux de mets et les casseroles, soudain la lampe, faute d’huile, s’éteignit. Or, précisément, la provision d’huile de la maison était épuisée, et Morgane, qui avait oublié de s’en procurer une nouvelle dans la journée, se désola fort de ce contre-temps, et appela Abdallah, le nouvel esclave d’Ali Baba, à qui elle fit part de sa contrariété et de son embarras. Mais Abdallah, éclatant de rire, lui dit : « Par Allah sur toi ! ô Morgane, ma sœur, comment peux-tu dire que nous manquons d’huile à la maison, alors que dans la cour il y a, en ce moment, rangées contre le mur, trente-huit jarres pleines d’huile d’olive qui, à en juger par l’odeur des parois qui la contiennent, doit être d’une qualité suprême. Ah ! ma sœur, mon œil ne reconnaît pas ce soir la diligente, l’entendue, la pleine de ressources Morgane ! » Puis il ajouta : « Je retourne dormir, ma sœur, pour me lever demain, à l’aube, afin d’accompagner au hammam notre maître Ali Baba ! » Et il la quitta pour aller, non loin de la chambre du marchand d’huile, ronfler comme un buffle des marais.

Alors Morgane, un peu confuse des paroles d’Abdallah, prit le pot à huile et alla dans la cour, pour le remplir à l’une des jarres. Et elle s’approcha de la première jarre, la déboucha, et plongea le pot dans l’ouverture béante. Et — ô bouleversement des entrailles, ô dilatation des yeux, ô gorge serrée ! — le pot, au lieu d’entrer dans de l’huile, heurta avec violence quelque chose de résistant. Et ce quelque chose-là remua ; et il en sortit une voix qui dit : « Par Allah,