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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/331

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histoire d’ali baba…
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Et elle dansa tous les pas, inlassable, et esquissa toutes les figures, comme jamais ne l’avait fait, dans les palais des rois, une danseuse de profession. Et elle dansa comme seul peut-être, devant Saül noir de tristesse, avait dansé le berger David.

Et elle dansa la danse des écharpes, et celle du mouchoir, et celle du bâton. Et elle dansa les danses des Juives, et celles des Grecques et celles des Éthiopiennes et celles des Persanes, et celles des Bédouines, avec une légèreté si merveilleuse que, certes ! seule Balkis, la reine amoureuse de Soleïmân, aurait pu danser les pareilles.

Et quand elle eut dansé tout cela, quand le cœur de son maître, et celui du fils de son maître, et celui du marchand, l’invité de son maître, furent suspendus à ses pas, et leurs yeux rivés à la souplesse de son corps, elle esquissa la danse onduleuse du poignard. En effet, tirant soudain l’arme dorée de sa gaîne d’argent, et tout émouvante de grâce et d’attitudes, au rythme accéléré du tambour, elle s’élança, le poignard menaçant, cambrée, flexible, ardente, rauque et sauvage, avec des yeux en éclairs, et soulevée par des ailes qu’on ne voyait pas. Et la menace de l’arme se tendait tantôt vers quelque ennemi invisible de l’air, et tantôt se tournait de la pointe vers les beaux seins de l’adolescente exaltée. Et l’assistance, à ces moments-là, poussait un long cri d’effroi, tant le cœur de la danseuse paraissait proche de la pointe mortelle. Puis peu à peu le rythme du tambour se fit plus lent et la cadence fraîchit et s’atténua jusqu’au silence de la peau sonore. Et Morgane, la poitrine soule-