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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/81

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le trésor sans fond
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ton esclave ! » Et je me tus, attendant la réponse. Et l’adolescente, au lieu de me répondre, prit un air si effrayé que je ne sus si je devais rester là ou livrer mes jambes au vent. Et je me décidai à rester encore sur place, insensible à tous les périls que je pouvais courir. Or, bien m’en prit, car soudain l’adolescente se pencha sur le rebord de sa fenêtre et me dit d’une voix tremblante : « Reviens vers le milieu de la nuit. Mais fuis au plus vite ! » Et à ces mots, elle disparut avec précipitation et me laissa à la limite de l’étonnement, de l’amour et de la joie. Et j’oubliai à l’instant mes malheurs et mon dénûment. Et je me hâtai de rentrer à mon khân, pour faire appeler le barbier public qui s’occupa à me raser la tête, les aisselles et l’aine, à me parer et à m’embellir. Puis j’allai au hammam des pauvres où, pour quelque menue monnaie, je pris un bain parfait et me parfumai et me rafraîchis, pour sortir de là complètement dispos, le corps léger comme une plume.

Aussi quand vint l’heure indiquée, je me rendis à la faveur des ténèbres sous la fenêtre du palais. Et je trouvai à cette fenêtre une échelle de soie qui pendait jusqu’à terre. Et moi, sans hésiter, n’ayant d’ailleurs rien à perdre sinon une vie qui n’avait plus aucun lien ni aucun sens, je grimpai sur l’échelle et pénétrai par la fenêtre dans l’appartement. Je traversai rapidement deux chambres, et j’arrivai dans une troisième où, sur un lit d’argent, était étendue souriante celle que j’espérais. Ah ! seigneur marchand, mon hôte, quel enchantement en cette œuvre du Créateur ! Quels yeux et quelle bouche ! À sa vue, je sentis ma raison s’envoler, et je ne pus pro-