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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/111

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quelques sottises et théories…
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répondit : « Ô mon seigneur, pour ce qui est des yeux du visage, il n’y a qu’Allah seul qui puisse les agrandir ; car, pour ma part, étant le dieu de la terre, je ne puis que leur agrandir l’œil qu’ils ont sous la ceinture ! » Et Timour, entendant ces paroles, comprit à quel gaillard il avait affaire, et se réjouit de sa réplique, et le retint désormais près de lui, comme son bouffon habituels

— Et, un jour, Timour, qui non seulement était boiteux et avait un pied de fer, mais qui était borgne et extrêmement laid, s’entretenait de choses et d’autres avec Goha. Et, sur ces entrefaites, le barbier de Timour entra et, après lui avoir rasé la tête, il lui présenta une glace pour qu’il s’y regardât. Et Timour se mit à pleurer. Et, à son exemple, Goha se répandit en pleurs, et poussa soupirs sur gémissements ; et il employa ainsi une ou deux ou trois heures de temps. Aussi Timour avait-il déjà fini de pleurer, que Goha n’en continuait pas moins à sangloter et à se lamenter. Et Timour, étonné, lui dit « Qu’as-tu ? Moi, si j’ai pleuré, c’est que je me suis regardé au miroir de ce barbier de malheur, et que je me suis trouvé vraiment laid. Mais toi, pour quel motif verses-tu tant de larmes, et continues-tu à gémir si lamentablement ? » Et Goha répondit : « Sauf ton respect, ô notre souverain, toi tu t’es regardé un petit instant dans un miroir, et cela t’a suffi pour pleurer deux heures de temps ! Qu’y a-t-il donc de surprenant à ce que ton esclave, qui te regarde toute la journée, pleure plus longtemps que toi ? » Et Timour, à ces paroles, au lieu de se fâcher,