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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/188

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les mille nuits et une nuit

Tohfa est assise dans sa chambre à coucher, jouant du luth et chantant. Viens vite ! Hâte-toi ! » Et Al-Rachid se leva et passa en toute hâte la première robe qui lui tomba sous la main, sans d’ailleurs comprendre un mot aux paroles de l’eunuque, auquel il dit : « Malheur à toi ! Que dis-tu ? Comment oses-tu me parler de ta maîtresse El Sett Tohfa ? Ne sais-tu qu’elle a disparu de sa chambre, alors que les portes et les fenêtres étaient fermées, et que mon vizir Giafar, qui sait tout, m’a affirmé que sa disparition n’est pas naturelle mais qu’elle est du fait des genn et de leurs maléfices ! Et ne sais-tu qu’on ne voit point d’ordinaire revenir des personnes qu’ont enlevées les genn ! Malheur à toi, ô esclave, qui oses venir réveiller ton maître, à cause d’un rêve grotesque que tu as eu dans ta cervelle noire ! » Et l’eunuque dit : « Je n’ai eu ni rêve ni trêve, je n’ai point mangé de fèves, et donc lève-toi que je me lève ! Et viens voir, après tes douleurs grièves, la plus merveilleuse fille d’Ève ! » Et le khalifat, malgré tout, ne put s’empêcher de rire aux éclats en constatant la folie avérée de l’eunuque Sawab. Et il lui dit : « Si ton discours est vrai, ce sera pour ta bonne fortune, car je te libérerai et te donnerai mille dinars d’or, mais si tout cela est faux, et je puis d’avance te dire que cela est faux, étant le résultat d’un rêve de nègre, je te ferai crucifier ! » Et l’eunuque, levant les bras au ciel, s’écria : « Ô Allah, ô Protecteur, ô Maître de la sauvegarde, fais que je n’aie pas eu dans ma cervelle noire un rêve ni une vision ! » Et il marcha le premier, ouvrant la marche au khalifat, en disant : « L’oreille est pour l’ouïe, et les