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les mille nuits et une nuit

« Or sache, ô jeune homme, que sans que j’eusse songé à lui donner l’ordre de me suivre, ce chien lévrier que voici debout devant toi, le cou orné d’un collier d’or, était sorti derrière moi et courait à mes côtés fidèlement, sans donner de la voix. »

« Et, au bout de plusieurs heures de cette course sans répit, mon épouse arriva dans une plaine nue où il n’y avait qu’une seule maison, basse et construite en boue, qui était habitée par des nègres. Et elle descendit de cheval et entra dans la maison des nègres. Et moi je voulus pénétrer derrière elle ; mais la porte se ferma avant que je fusse arrivé sur le seuil, et je me contentai de regarder par une lucarne, pour tâcher de savoir ce que pouvait bien être l’affaire.

« Et voici que les nègres, qui étaient au nombre de sept, semblables à des buffles, accueillirent mon épouse par des injures épouvantables, et se saisirent d’elle, et la jetèrent sur le sol, et la piétinèrent en lui donnant de si grands coups que je crus ses os brisés et son âme expirée. Mais elle, loin de se montrer endolorie de ce traitement féroce, dont ses épaules, son ventre et son dos portent jusqu’aujourd’hui les traces, se contentait de dire aux nègres : « Ô mes chéris, par l’ardeur de mon amour pour vous, je vous jure que je ne suis un peu en retard cette nuit que parce que le roi, mon époux, ce galeux, ce mauvais cul, est resté éveillé au delà de son heure habituelle. Sans cela, aurais-je attendu si longtemps pour venir, et faire jouir mon âme de la boisson de notre union ? »

« Et moi, voyant cela, je ne savais plus ni où j’étais,