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les mille nuits et une nuit

mit une insistance singulière à me faire payer cet enjeu, sans vouloir accepter d’autre amende. Et je fus obligée de me mettre nue, et de faire la chose à laquelle il me condamnait. Et, quand j’eus fini, j’étais folle de rage et à moitié morte de fatigue et de froid.

« Mais le lendemain, à mon tour, je le vainquis aux échecs. Et ce fut à moi à lui imposer, cette fois, mes conditions. Et, après avoir réfléchi un instant et cherché dans mon esprit ce qui pouvait lui être le plus désagréable, je le condamnai, en connaissance de cause, à aller passer la nuit dans les bras de l’esclave la plus laide et la plus sale d’entre les esclaves de cuisine. Et comme celle qui réunissait ces conditions était l’esclave nommée Marahil, je la lui indiquai comme but de l’enjeu et expiation de sa défaite. Et, pour m’assurer que les choses se passeraient sans tricherie de sa part, je le conduisis moi-même dans la chambre fétide de l’esclave Marahil, et l’obligeai à s’étendre à ses côtés, et à faire avec elle, toute la nuit, ce qu’il aimait tant à faire avec les belles concubines dont je lui faisais si souvent cadeau. Et, au matin, son état était lamentable, et son odeur épouvantable.

« Or je dois maintenant te dire, ô émir des Croyants, que tu es précisément né de la cohabitation de ton père avec cette esclave horrible, et de ses culbutes avec elle, dans la chambre attenante à la cuisine.

« Et je fus ainsi, sans le savoir, par ta venue au monde, la cause de la perte de mon fils El-Amîn, et de tous les malheurs qui se sont abattus sur notre race durant ces dernières années.

« Or, tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas