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les mille nuits et une nuit

la raison, arrête l’eau qui coule et l’hirondelle qui vole. Et cet adolescent princier est blanc et rose, et s’appelle Jasmin. Et, en vérité, le lys et la rose s’évanouissent en sa présence. Car sa taille est un balancement de cyprès, son visage une tulipe nouvelle, ses cheveux des violettes, ses boucles musquées un échantillon de mille nuits obscures, son teint de l’ambre blond, ses cils des dards recourbés, ses longs yeux deux narcisses, et deux pistaches sont ses lèvres charmantes. Quant à son front, il fait honte, par son éclat, à la pleine lune et lui barbouille de bleu le visage. Sa petite bouche aux dents de pierreries, à la langue de rose, sécrète un doux langage qui fait oublier la canne à sucre. Et, tel qu’il est, sémillant et hardi, il est une idole de séduction pour l’œil des amants. »

Puis elle ajouta, alors que la princesse Amande était dans la stupeur de la joie ; « Et ce princier joueur de flûte a dû, agile comme le zéphyr matinal et plus léger, franchir les montagnes et les plaines, pour venir de son pays dans le nôtre, et traverser les eaux effrayantes des rivières sans bords, où le cygne lui-même n’est pas en sûreté, et dont le seul aspect donne le vertige aux poules d’eau et aux canards, leur faisant éprouver mille étonnements. Et s’il a surmonté tant de difficultés pour arriver jusqu’ici, c’est qu’un motif caché l’y a déterminé. Et nul motif ne peut décider un prince adolescent à tenter une telle épreuve, sinon l’amour. »

Et, ayant ainsi parlé, la jeune favorite de la princesse Amande se tut, en observant l’effet de son discours sur sa maîtresse. Et voici que soudain la fille