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les mille nuits et une nuit

jeta les yeux sur la place qu’occupait sa rose chérie. Mais elle n’en vit même pas la trace et n’en perçut pas l’odeur. Alors, anéantie de douleur, elle fut prête à se dissoudre comme l’or dans le creuset, et à se faner comme le bouton au simoum du chagrin. Et, au même moment, pour comble de malheur, elle s’aperçut que l’anneau qu’elle portait au doigt était un anneau étranger, et que la bague était disparue qu’elle avait depuis des ans.

Aussi, se souvenant de sa nudité pendant qu’elle dormait, et que les yeux d’un étranger avaient impunément violé tout le mystère charmant de sa personne, elle fut abîmée dans un océan de confusion. Et elle rentra en toute hâte dans son pavillon de rubis, et se mit à pleurer, toute seule, pendant toute la journée. Après quoi, les pensées raisonnables lui vinrent avec la réflexion, et elle se dit : « Certes, le dicton est faux qui dit : « Il n’y a pas de trace à trouver de ce qui ne laisse pas de trace ; car si on la trouve, on ne laisse pas soi-même de trace. » Et, en outre, rien également n’est plus mensonger que cet autre dicton : « Lorsqu’on va à la recherche d’un objet perdu, il faut se perdre soi-même pour le trouver. » Car, moi, par Allah ! toute faible et toute jeune fille que je sois, je veux, dès cet instant, me mettre à la recherche du ravisseur de ma rose, et connaître le motif de son larcin. Et je le punirai d’avoir osé porter le regard de son désir sur ma virginité de princesse assoupie. »

Elle dit, et, à l’heure même, elle se mit en chemin, au moyen des ailes de l’impatience, suivie de ses jeunes filles esclaves qu’elle avait habillées en guerriers.