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les mille nuits et une nuit

au dedans et au dehors. Ah ! qu’il est faux, le proverbe qui dit : « Les cœurs s’entendent. » Car je me consume et tu n’en sais rien. Quelle réponse me donneras-tu si je te demande pourquoi tu m’as assassinée par ta charmante tournure ?

« Mais, ô mon calam, n’écris pas davantage : je me suis assez livrée à une amoureuse douleur. »

À la lecture de cette lettre, le feu de l’amour étincela sous la cendre du cœur de Nourgihân, et, impatient comme le mercure, il prit en sa main le calam et le papier, et répondit par les lignes suivantes :

« À celle qui l’emporte sur toutes les belles au corps d’argent, et dont l’arc des sourcils est un sabre entre les mains d’un guerrier ivre !

« Ô femme charmante, dont le front, semblable à la planète Zohra, excite la jalousie des beautés de la Chine, le contenu de ta lettre avive les blessures de mon cœur isolé, qui palpitera pour toi tant que des grains de beauté apparaîtront sur le visage de la pleine lune.

« Une étincelle de ton cœur est tombée sur mes blessures, et l’éclair de mon désir a brillé sur ta moisson. Celui-là seul qui aime connaît le charme qu’on éprouve à être consumé. Et me voici pareil à un poulet à demi-égorgé, qui se roule par terre jour et nuit, et ne tardera pas à périr si on ne le délivre promptement.

« Ô Visage de Lys, le voile n’est pas sur ton visage, mais tu es toi-même ce voile pour toi-même. Sors