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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/119

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histoire du bossu… (le barbier)
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ma ville, et d’aller dans un endroit où je ne risquerais plus de me trouver face à face avec mon ennemi.

Je partis donc de Baghdad et ne cessai de voyager jusqu’à ce que je fusse arrivé dans ce pays-ci, où je crus avoir réussi à me débarrasser de mon persécuteur. Mais ce fut peine perdue, puisque je viens, ô mes seigneurs, de le trouver ici au milieu de vous autres, à ce festin où vous m’aviez invité !

Aussi vous pensez bien que je ne puis plus avoir de tranquillité avant que j’aie quitté ce pays comme je quittai l’autre, et tout cela à cause de ce maudit, de ce pervers, de ce barbier assassin qu’Allah confonde, lui, sa famille et toute sa postérité ! »


— Lorsque le jeune boiteux, continua le tailleur devant le roi de la Chine, eut prononcé ces mots, il se leva tout jaune de teint, nous souhaita la paix et sortit sans que nous eussions pu l’en empêcher.

Quant à nous tous, à cette histoire surprenante, nous regardâmes le barbier, qui se tenait silencieux et les yeux baissés, et nous lui dîmes : « Mais trouves-tu que le jeune homme ait dit la vérité ? Et, dans ce cas, pourquoi donc as-tu agi de la sorte et lui as-tu occasionné tous ces malheurs ? » Alors le barbier leva la tête et nous dit : « Par Allah ! c’est bien en connaissance de cause que j’ai agi, et je l’ai fait pour lui éviter de pires calamités. Car, sans moi, il était indubitablement perdu. Il n’a donc qu’à remercier Allah et à me remercier de ce qu’il ait perdu seulement l’usage de sa jambe au lieu de se