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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/150

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les mille nuits et une nuit

à faire marcher la justice d’Allah, car voici tous les témoins. »

Quant à mon frère, il eut beau se défendre, le juge ne voulut rien entendre de plus et le condamna à subir cinq cents coups de bâton sur le dos et le derrière ! Puis on confisqua tous ses biens et toutes ses propriétés ; et il eut bien de la chance d’avoir tant de richesses, car sans cela la peine pour lui eût été la mort sans remède. Puis on prononça contre lui la peine de l’exil.

Mon frère, devenu borgne, le dos meurtri de coups, presque mourant, sortit de la ville, et marcha droit devant lui, sans savoir où, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à une ville éloignée et inconnue de lui. Il s’y arrêta et résolut d’y fixer son habitation et d’y exercer le métier de savetier, qui ne demande guère d’autre capital que de bonnes mains.

Il fixa donc sa résidence habituelle dans une encoignure, à l’angle de deux rues, et se mit à travailler pour gagner son pain. Mais un jour qu’il était en train de coudre une pièce à une vieille babouche, il entendit des hennissements de chevaux et le bruit de la marche de nombreux cavaliers. Il demanda la cause de tout ce tumulte et on lui répondit : « C’est le roi qui s’en va, selon son habitude, faire la chasse à pied et à courre, accompagné de toute sa suite. » Alors mon frère El-Kouz laissa un moment son aiguille et son marteau, et se leva pour voir passer le cortège du roi. Et pendant qu’il était debout et pensif, et rêvant à son état passé et présent, et aux circonstances qui, de boucher réputé, avaient fait de lui le dernier des savetiers, le roi vint à