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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/162

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les mille nuits et une nuit

la dernière de tes esclaves ! » Mais, moi, à ces paroles je ne ferai aucune réponse. Et elle alors finira par s’enhardir un peu, devant mon silence, et insistera auprès de moi pour me faire prendre la coupe de vin, et l’approchera elle-même gentiment de mes lèvres. Mais moi, devant une pareille familiarité, je deviendrai furieux, je la regarderai terriblement et lui appliquerai sur la figure un grand soufflet et lui allongerai dans le ventre un violent coup de pied, là, comme ceci… »

Mon frère, continua le barbier, en prononçant ces paroles, fit le geste d’allonger le violent coup de pied à sa prétendue femme, et le coup porta en plein sur le panier fragile qui contenait les verreries devant lui ; et le panier, avec tout son contenu, roula au loin ! et il ne resta que des débris de tout ce qui constituait toute la fortune de ce fou. Ah ! si j’avais été là à ce moment, ô émir des Croyants, je l’aurais châtié comme il le méritait, ce frère plein d’insupportable vanité et de fausse grandeur d’âme !

Mais, devant ces dégâts sans remède, El-Aschar se mit à se donner de grands coups sur la figure et à déchirer ses habits de désespoir et à pleurer et à se lamenter tout en continuant à se frapper. Et alors, comme ce jour-là était précisément un vendredi et que la prière de midi allait commencer dans les mosquées, les gens qui sortaient de chez eux virent mon frère dans cet état, et les uns s’arrêtèrent à s’apitoyer sur lui, et les autres continuèrent leur chemin en le traitant de fou et en riant extrêmement, une fois qu’ils eurent appris, d’un voisin, les détails de l’extravagance de mon frère.