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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/213

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histoire de douce-amie et d’ali-nour
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D’ailleurs, sur ces entrefaites, le vizir Fadleddine ben-Khacân entra, et vit toutes ces femmes dans les pleurs et la désolation. Et il demanda : « Mais qu’y a-t-il donc, mes enfants ? » Alors la mère d’Ali-Nour s’essuya les yeux, se moucha et dit : « Ô père d’Ali-Nour, jure-moi d’abord sur la vie de notre Prophète (que sur lui soient la prière et la paix d’Allah !) que tu te conformeras en tous points à ce que je te dirai ! Sinon, je préfère mourir que de parler ! » Alors le vizir jura, et sa femme lui raconta la prétendue fourberie d’Ali-Nour et le malheur sans remède arrivé à la virginité de Douce-Amie.

Ali-Nour en avait fait voir bien d’autres à ses père et mère ; pourtant, au récit de cette fredaine dernière, le vizir Fadleddine fut atterré, puis se déchira les habits, se donna des coups de poing sur la figure, se mordit les mains, s’arracha la barbe et jeta au loin son turban. Alors la mère d’Ali-Nour essaya de le consoler et lui dit : « Ne t’afflige pas ! car, pour ce qui est des dix mille dinars, je te les restituerai en leur entier en les prenant sur l’argent qui m’appartient ou en vendant quelques-unes de mes pierreries. » Mais le vizir Fadleddine s’écria : « Ô femme ! que dis-tu ? T’imagines-tu donc que je pleure la perte de cet argent dont je n’ai que faire ? Et ne sais-tu que c’est mon honneur entamé et la perte de ma vie qui m’affligent ? » Et son épouse lui dit : « Mais enfin rien n’est perdu, puisque le roi ignore même l’existence de Douce-Amie et, à plus forte raison, la perte de sa virginité. Avec les dix mille dinars que je te donnerai, tu achèteras une esclave très belle pour le roi ; et nous, nous garderons Douce-Amie pour notre