Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/30

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avec des fils d’or pur et l’apporta, et la déplia devant la dame. Et elle la trouva juste à sa convenance et elle dit au marchand : « Comme je n’ai pas d’argent sur moi, tu pourras, je pense, selon l’habitude, me la donner dès maintenant ; et moi, en arrivant à la maison, je t’en enverrai le prix. » Mais le marchand lui dit : « Cette fois-ci, je ne le puis pas, ô ma maîtresse ; car cette étoffe ne m’appartient pas, mais elle est à ce commerçant que tu vois ; et je me suis engagé à lui payer mon terme aujourd’hui même. » Alors elle fut dans un grand courroux et elle dit : « Malheur ! Oublies-tu donc que j’ai toujours l’habitude de t’acheter des étoffes de très grand prix et de te faire gagner bien plus que tu ne me réclames toi-même ? Et oublies-tu que je n’ai jamais différé de t’en envoyer le prix ? » Et il répondit : « Certes ! tu as raison, ô ma maîtresse ! Mais aujourd’hui je suis réduit à l’obligation d’avoir de l’argent immédiatement. » Lorsqu’elle entendit ces paroles, elle saisit la pièce d’étoffe et la lui lança à la poitrine et lui dit : « Vous êtes tous les mêmes dans cette maudite corporation ! Vous ne savez avoir d’égards pour personne ! » Puis elle se leva dans une très grande colère et lui tourna le dos pour s’en aller.

« Mais moi, je sentis mon âme qui s’en allait avec elle ; et je me levai avec hâte et me tins debout et lui dis : « Ô ma maîtresse, de grâce ! fais moi l’amitié de te tourner un peu de mon côté, et de revenir généreusement sur tes pas ! » Alors elle tourna son visage de mon côté, sourit un peu et revint sur ses pas et me dit : « Je veux bien rentrer dans cette boutique ; mais c’est uniquement pour toi ! » Puis