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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/53

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l’invité. Et l’invité alors se mit à se laver les mains exactement le nombre de fois qu’il avait mentionné ; puis il revint s’asseoir, mais bien à contre-cœur, et il avança la main vers le plat commun où nous mangions tous, et, tout tremblant et tout hésitant, il se mit à manger de ce plat de rozbaja. Et nous étions très étonnés de cela ; mais nous fûmes encore bien plus étonnés lorsque nous regardâmes sa main : nous vîmes que cette main manquait de pouce et n’avait que quatre doigts. Et l’invité ne mangeait ainsi qu’avec quatre doigts. Alors nous dîmes : « Par Allah sur toi ! dis-nous comment il se fait que tu n’aies plus de pouce ! Ou bien est-ce une déformation que tu as de naissance, et qui est simplement l’œuvre d’Allah ? Ou bien es tu victime d’un accident ? » Alors il répondit : « Mes frères, vous n’avez pas tout vu ! Ce n’est pas seulement un pouce qui me manque, mais les deux. Car je n’ai pas non plus de pouce à la main gauche. Et mes deux pieds aussi n’ont que quatre orteils. D’ailleurs, voyez par vous-mêmes ! » Et il nous montra l’autre main et nous découvrit ses deux pieds, et nous vîmes qu’en effet chacun n’avait que quatre orteils. Alors notre étonnement augmenta encore, et nous lui dîmes : « Notre impatience est à son comble, et nous désirerions vivement apprendre la cause qui t’a fait ainsi perdre tes deux pouces et tes deux gros orteils, et le motif qui t’a fait aussi te laver les mains cent vingt fois de suite. » Alors il nous raconta ainsi la chose :

Sachez, ô vous tous, que mon père était un mar-