La vieille maudite sortit donc et se dirigea vers le palais du gouverneur, et se présenta devant lui aussitôt. Alors il lui demanda : « Eh bien ! qu’as-tu fait, ô débrouilleuse des toiles d’araignée, ô subtile et sublime rouée ? » La vieille dit : « Quoi que je fasse, ô mon maître, je ne suis que ton élève et la protégée de tes regards. Voici. J’ai vu l’adolescente Belle-Heureuse, l’esclave du fils de Printemps. Le ventre de la fécondité n’a jamais modelé pareille beauté ! » Le gouverneur s’écria : « Ya Allah ! » La vieille continua : « Elle est pétrie de délices. Elle est un ruissellement continu de douceurs et de charmes ingénus ! » Le gouverneur s’écria : « Ô mon œil ! ô battement de mon cœur ! » La vieille reprit : « Que dirais-tu alors si tu entendais le timbre de sa voix plus fraîche que le bruit de l’eau sous une voûte sonore ! Que ferais-tu si tu voyais ses yeux d’antilope et leurs regards modestes ? » Il s’écria : « Je ne pourrais qu’admirer de toute mon admiration, car, je te le répète, je la destine à notre maître le khalifat. Hâte-toi donc dans la réussite ! » Elle dit : « Je te demande pour cela un délai d’un mois entier. » Et le gouverneur répondit : « Prends ce délai, mais que ce soit avec résultat ! Et chez moi tu trouveras une générosité dont tu seras satisfaite. Voici, pour commencer, mille dinars comme arrhes de ma bonne volonté ! »
Et la vieille serra les mille dinars dans sa ceinture et commença, dès ce jour, à visiter régulièrement Bel-Heureux et Belle-Heureuse dans leur demeure, et de leur côté ils lui montraient de jour en jour plus d’égards et de considération.