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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 5, trad Mardrus, 1900.djvu/188

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les mille nuits et une nuit

quoi, il cacheta la boîte et écrivit sur le couvercle son nom et son adresse en caractères koufiques, illisibles pour les habitants de Damas, mais déchiffrables pour Belle-Heureuse qui connaissait fort bien l’écriture arabe courante aussi bien que la koufique. Et la dame prit la boîte, déposa dix dinars d’or sur l’étagère du médecin, prit congé des deux et sortit pour se rendre directement au palais où elle se hâta de monter chez la malade.

Elle la trouva les yeux à demi fermés et mouillés vers les coins de larmes, comme toujours. Elle s’approcha d’elle et lui dit : « Ah ! ma fille, puissent ces remèdes te procurer autant de bien que la vue de celui qui les a faits m’a donné de plaisir. C’est un adolescent aussi beau qu’un ange, et la boutique où il se tient est un lieu de délices ! Voici la boîte qu’il m’a donnée pour toi. » Alors Belle-Heureuse, pour ne point repousser l’offre, tendit la main, prit la boîte et jeta sur le couvercle un regard vague ; mais soudain elle changea de couleur en voyant, sur le couvercle, ces mots tracés en koufique : « Je suis Bel-Heureux, fils de Printemps de Koufa ! » Mais elle eut assez de force sur son âme pour ne pas s’évanouir ou se trahir. Et elle dit à la vieille dame, en souriant : « Alors tu dis que c’est un bel adolescent ? Comment est-il ? » Elle répondit : « Il est un tel mélange de délices qu’il m’est impossible de te le dépeindre ! Il a des yeux ! et des sourcils ! ya Allah ! mais ce qui ravit l’âme c’est un grain de beauté qu’il a sur le coin gauche de la lèvre et une fossette qui se creuse, au sourire, sur sa joue droite ! »

À ces paroles, Belle-Heureuse ne douta plus que ce