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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 5, trad Mardrus, 1900.djvu/99

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histoire de karamalzamân avec boudour
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Or, le lendemain, les mêmes poursuites eurent lieu, et cela jusqu’au dixième jour, depuis le matin jusqu’au soir ; mais, au matin du onzième jour, attiré toujours par le vol de l’oiseau, il arriva aux portes d’une ville située sur la mer.

À ce moment, le grand oiseau s’arrêta ; il déposa la cornaline talismanique devant lui, poussa trois cris qui signifiaient « Kamaralzamân », reprit la cornaline dans son bec, s’éleva dans les airs, et monta toujours en s’éloignant et disparut sur la mer.

À cette vue, Kamaralzamân fut dans une rage telle qu’il se jeta à terre, le visage sur le sol, et pleura longtemps, secoué par les sanglots.

Au bout de plusieurs heures de cet état d’angoisse, il se décida à se lever et alla au ruisseau qui coulait près de là se laver les mains et le visage et faire ses ablutions ; puis il s’achemina vers la ville en songeant à la douleur de sa bien-aimée Boudour et à toutes les suppositions qu’elle devait faire sur sa disparition et celle du talisman ; et il se récitait des poèmes sur la séparation et les peines d’amour, dont celui-ci entre mille :

« Pour ne point écouter les envieux qui me blâmaient, qui me disaient : « Tu subis ton sort, ô toi qui aimes un être trop beau ! Quand on est beau, comme il est, on se préfère à tout amour ! »

« Pour ne point les écouter, j’ai bouché toutes les ouvertures de mes oreilles, et je leur ai dit : « Je l’ai choisi entre mille, c’est vrai ! Quand la destinée nous tient sous sa puissance, nos yeux deviennent aveugles et notre choix se fait dans les ténèbres ! »