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histoire de sindbad le marin (3e voyage)
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et nous pénétrâmes de plain-pied dans une immense salle aussi vaste qu’une cour. Cette salle avait pour tous meubles d’énormes ustensiles de cuisine et des broches d’une longueur démesurée ; le sol avait, pour tous tapis, des monceaux d’ossements, les uns déjà blanchis, d’autres frais encore. Aussi, là-dedans, régnait une odeur qui offusqua à l’extrême nos narines. Mais comme nous étions exténués de fatigue et de peur, nous nous laissâmes choir tout de notre long et nous nous endormîmes profondément.

Le soleil était déjà couché quand un bruit de tonnerre nous fit sursauter et du coup nous réveilla ; et, devant nous, nous vîmes descendre du plafond un être à figure d’homme noir, de la hauteur d’un palmier, qui était plus horrible à voir que tous les singes réunis. Il avait des yeux rouges comme deux tisons enflammés, les dents de devant longues et saillantes comme les défenses d’un cochon, une bouche énorme aussi vaste que l’orifice d’un puits, des lèvres pendantes sur la poitrine, des oreilles sursautantes comme les oreilles de l’éléphant et qui lui couvraient les épaules, et des ongles crochus comme les griffes du lion.

À cette vue, nous commençâmes d’abord par nous convulser de terreur, puis nous devînmes rigides comme des morts. Mais lui vint s’asseoir sur un banc élevé adossé au mur et de là se mit à nous examiner en silence, un à un, de tous ses yeux. Après quoi, il s’avança sur nous, vint droit à moi, de préférence à tous les autres marchands, étendit la main et me saisit par la peau de la nuque, comme on saisit un paquet de chiffons. Il me tourna alors et