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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/134

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les mille nuits et une nuit

fort lourdes, nous nous mîmes à plusieurs pour porter chacune d’elles. Nous nous approchâmes alors doucement, et tous ensemble nous enfonçâmes les deux broches à la fois dans les deux yeux de l’horrible homme noir endormi, et nous pesâmes dessus de toutes nos forces, de façon qu’il fût définitivement aveuglé.

Il dut probablement ressentir une douleur extrême, car le cri qu’il lança fut si effroyable que du coup nous roulâmes sur le sol à une distance notoire. Et il bondit à l’aveuglette, et, étendant les mains dans le vide, il essaya, en hurlant et en courant de tous côtés, de se saisir de quelqu’un d’entre nous. Mais nous avions eu le temps de l’éviter et de nous jeter à plat ventre de droite et de gauche de façon à ce qu’il ne rencontrât que le vide chaque fois. Aussi, voyant qu’il ne pouvait réussir, il finit par se diriger à tâtons vers la porte et sortit en faisant des cris épouvantables.

Alors nous, persuadés que le géant aveugle finirait par mourir de son supplice, nous commençâmes à nous tranquilliser et, d’un pas lent, nous nous dirigeâmes vers la mer. Nous arrangeâmes un peu mieux le radeau, nous nous y embarquâmes, nous le détachâmes du rivage et déjà nous allions ramer pour nous éloigner, quand nous vîmes nous courir sus l’horrible géant aveugle, guidé par une femelle géante encore plus horrible et plus dégoûtante que lui. Arrivés sur le rivage, ils lancèrent des cris effroyables en nous voyant nous éloigner ; puis ils se saisirent chacun de quartiers de roche et se mirent à nous lapider en les lançant sur le