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les mille nuits et une nuit

de l’arbre et de cueillir quelques fruits que nous mangeâmes, et d’étancher notre soif à l’eau des ruisseaux. Après quoi, nous errâmes dans l’île à la recherche de quelque abri plus sûr que celui de la précédente nuit, et nous finîmes par trouver un arbre d’une hauteur prodigieuse qui nous parut pouvoir nous protéger efficacement. Nous y grimpâmes à la tombée de la nuit et, nous y étant installés le mieux que nous pûmes, nous commencions à nous assoupir quand un sifflement et un bruit de branches cassées nous réveilla, et avant que nous eussions le temps de faire un mouvement pour nous échapper, le serpent avait saisi mon compagnon, qui était perché plus bas que moi, et l’avait d’une seule déglutition avalé aux trois quarts. Je le vis ensuite s’enrouler autour de l’arbre et faire craquer dans son ventre les os de mon dernier compagnon qu’il acheva d’avaler. Puis, me laissant mort d’épouvante, il se retira.

Moi, je continuai à rester immobile sur l’arbre jusqu’au matin, et alors seulement je me décidai à en descendre. Mon premier mouvement fut d’aller me jeter à la mer pour en finir avec une vie misérable et pleine d’alarmes plus terribles les unes que les autres ; mais je m’arrêtai en route, car mon âme n’y consentit pas, étant donné que l’âme est une chose précieuse ; et même elle me suggéra une idée à laquelle je dus mon salut.

Je commençai par chercher du bois et, en ayant bientôt trouvé, je m’étendis par terre et je pris une grande planche que je fixai solidement dans toute sa longueur sur la plante de mes pieds ; j’en pris en-