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histoire de sindbad le marin (4e voyage)
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Nous arrivâmes hors de la ville à une montagne sur la mer. À un certain endroit, je vis une sorte de puits immense dont on se hâta d’enlever le couvercle de pierre. On y descendit le cercueil, où se trouvait la femme morte parée de ses bijoux ; puis on se saisit de mon voisin, qui n’opposa aucune résistance ; on le descendit au moyen d’une corde jusqu’au fond du puits, avec un grand pot d’eau et sept pains, comme provisions. Cela fait, on reboucha l’orifice du puits avec les grandes pierres qui en faisaient le couvercle, et l’on s’en retourna par où l’on était venu.

Or, moi, j’avais assisté à tout cela dans un état inimaginable d’effroi, en pensant en mon âme : « Cela est encore pire que tout ce que j’ai vu ! » Et, à peine de retour au palais, je courus trouver le roi et lui dis : « Ô mon maître, j’ai parcouru jusqu’aujourd’hui bien des pays, mais je n’ai vu nulle part une coutume aussi barbare que celle qui consiste à enterrer le mari vivant avec sa femme morte ! Aussi je voudrais bien savoir, ô roi du temps, si l’étranger est également astreint à cette loi à la mort de sa femme ! » Il me répondit : « Mais certainement ! Il sera enterré avec elle ! »

Lorsque j’eus entendu ces paroles, je sentis de chagrin ma vésicule à fiel éclater dans mon foie, et je sortis de là fou de terreur et m’en allai chez moi, craignant déjà que mon épouse ne fût morte en mon absence, et que l’on ne m’astreignît à subir l’affreux supplice dont j’avais été témoin. J’essayai vainement de me consoler en disant : « Sindbad, sois tranquille. Tu mourras certainement le premier ! Et,