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les mille nuits et une nuit

à avoir honte d’être le seul homme sans ailes, et d’être obligé de garder à moi seul la ville avec les femmes et les enfants. J’eus beau alors m’informer auprès des habitants du moyen à employer pour que des ailes me poussassent aux épaules, nul ne put ni ne voulut me répondre à ce sujet. Et moi, je fus bien mortifié de n’être que Sindbad le Marin, sans pouvoir ajouter à mon surnom la qualité d’aérien.

Un jour, comme je désespérais de pouvoir arriver jamais à leur faire avouer ce secret de la croissance des ailes, j’avisai l’un d’eux, auquel j’avais rendu maints services, et, le prenant par le bras, je lui dis : « Par Allah sur toi, au moins rends-moi une fois, en raison de ce que j’ai fait pour toi, le service de me laisser me suspendre à toi, et de m’en voler avec toi dans ta course à travers les airs. C’est là un voyage qui me tente beaucoup, et que je veux ajouter au nombre de ceux que j’ai faits sur mer ! » L’homme ne voulut pas d’abord m’écouter ; mais à force de prières je finis par le décider à consentir. Je fus tellement enchanté de la chose que je ne pris même pas le temps d’avertir mon épouse et les gens de ma maison ; je me suspendis à lui en le prenant par la taille, et il m’emporta dans les airs en s’envolant, les ailes largement éployées.

Notre course à travers les airs fut d’abord ascendante en droite ligne, pendant un temps considérable. Aussi nous finîmes par arriver si haut dans la voûte céleste, que je fus à même d’entendre distinctement les anges chanter leurs mélodies sous la coupole des cieux.

En entendant ces chants merveilleux, je fus à la